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Sona, psychologue, lors d'un atelier résilience avec les enfants en Arménie
Sona, psychologue, lors d'un atelier résilience avec les enfants © Gurgen Ginosyan, Arevamanuk
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Arménie. « Bien que la situation soit grave, nous nous focalisons sur les points positifs »

À l’automne 2023, plus de 100 000 personnes, dont 30 000 enfants, du Haut-Karabakh ont dû quitter leur terre, leur maison, trouvant refuge en Arménie. Depuis, ils tentent de se reconstruire malgré les tensions géopolitiques persistantes dans cette région du monde.

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Arevamanuk, notre partenaire présent à Gyumri au nord du pays, apporte aux enfants et familles déplacés un soutien psychologique et matériel précieux. Avec l’appui du BICE. L’une des psychologues d’Arevamanuk, Sona, nous explique ici le travail entrepris pour faciliter leur intégration. Et se penche sur les profondes répercussions de cette exode forcé, en particulier sur les enfants.

Pourriez-vous nous décrire la situation actuelle des familles déplacées du Haut-Karabakh arrivées en Arménie ?

Sona : Après l’offensive de l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabakh le 19 septembre, plus de 100 000 habitants, d’origine arménienne, ont fui vers l’Arménie. Cela pose un défi colossal en termes de logement, d’éducation et d’accès aux soins. Ces familles, souvent nombreuses, rencontrent ainsi de graves difficultés financières et sociales. Elles ont du mal à retrouver un emploi dans un pays en proie à une grave crise économique.  Elles bénéficient d’aides gouvernementales mais cela ne suffit pas à couvrir leurs besoins essentiels. De plus, l’adaptation au climat, aux spécificités culturelles locales représente un autre niveau d’enjeu, notamment dans les régions du nord où les conditions de vie sont très différentes de celles du Haut-Karabakh.

Comment se portent les familles et notamment les enfants sur le plan psychologique ?

Les enfants sont particulièrement touchés. Déracinés, traumatisés par la perte de leur maison, de leurs repères, et parfois même la mort d’un proche, ils vivent avec le poids d’un passé douloureux. Beaucoup souffrent d’anxiété, de colère, de dépression oscillant entre la peur d’un nouvel affrontement et le deuil des êtres chers perdus. Parmi les enfants que nous accompagnons, l’un d’entre eux, âgé de 9 ans, a assisté à la mort tragique de son ami. Une histoire terrible, un traumatisme qu’il essaye de surmonter. La précarité dans laquelle ces enfants vivent renforce aussi leur sentiment d’insécurité, un obstacle à la résilience sur lequel nous travaillons.

Quelles initiatives votre organisation a-t-elle prises pour favoriser le processus de résilience chez ces enfants ?

Nous organisons des activités en groupes centrées sur la résilience et des séances de thérapie individuelle. Nous leur offrons des espaces sécurisants où ils peuvent exprimer leurs craintes, leurs émotions et parler de leurs traumatismes. Les activités de résilience, où nous utilisons le jeu collectif, le dessin, les arts plastiques, sont essentielles ; elles les aident à reprendre confiance en eux et en les autres, à se préparer à un avenir meilleur, malgré les incertitudes.

Nous aidons aussi les familles sur le plan économique. Avec un soutien matériel d’urgence, mais surtout en proposant aux parents les plus démunis des formations pour favoriser leur réinsertion professionnelle. Et certains participent à notre école des parents : 7 sessions leur sont proposées pour les aider à se reconstruire, à poursuivre leur vie.

Pourriez-vous nous décrire un atelier de résilience ?

Je peux vous décrire par exemple l’atelier de collage et de peinture, où l’on demande aux enfants d’illustrer les mots Passé, Présent et Futur. Ces activités ne sont pas de simples passe-temps ; elles sont des fenêtres ouvertes sur leurs mondes intérieurs, des espaces où ils peuvent exprimer, sans mots, les tourments et les rêves qui les habitent. Ce sont des outils thérapeutiques puissants, qui nous aident beaucoup avec les enfants.

Pour illustrer le passé, nous invitons les enfants à créer des collages qui représentent leur vie avant le conflit. Beaucoup choisissent de représenter leur maison, leur école, leurs amis ou même les animaux de compagnie qu’ils ont dû laisser derrière eux. Ces œuvres, souvent teintées de nostalgie, leur permettent de parler de ce qu’ils ont perdu.

La partie consacrée au présent permet aux enfants de dépeindre leur réalité actuelle. Cette séance est souvent compliquée pour eux. Mais petit à petit, ils ajoutent des éléments de leur vie actuelle, comme leur nouvelle école, les amis qu’ils ont rencontrés ici, les paysages qui font partie de leur quotidien. Ces éléments traduisent leur adaptation progressive à leur nouvel environnement, marquant un pas important dans leur processus de résilience.

Enfin, les œuvres dédiées au futur sont particulièrement révélatrices. Encouragés à imaginer et à représenter ce qu’ils espèrent pour leur avenir, nombreux sont les enfants qui représentent leur retour au Haut-Karabakh, symbolisé souvent par la statue de Dedo-Babo, figure emblématique de leur patrie perdue.

Bien sûr, nous sommes présents tout au long de ce travail pour suivre les enfants (en individuel ou en groupe) afin qu’ils réussissent à se reconstruire dans leur nouvelle réalité.

Comment envisagez-vous l’avenir de ces enfants et de leurs familles ?

Bien que la situation soit grave – le risque de guerre nous effraie tous – nous nous focalisons sur les éléments positifs. Les familles et les enfants que nous accompagnons montrent une grande capacité de résilience. Avec un soutien continu, nous espérons améliorer encore leur bien-être et leur intégration sociale. L’entraide communautaire est également impressionnante. Beaucoup d’Arméniens ont accueilli des personnes déplacées ou leur ont offert du soutien, ce qui témoigne d’une solidarité remarquable.

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