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Notre association engagée à promouvoir une approche réparatrice de la justice pour mineurs

Le BICE s’attache, depuis plus de 20 ans, à défendre une justice juvénile qui privilégie les mesures extrajudiciaires ou les alternatives à la privation de liberté. Une justice qui met également l’accent sur la réinsertion familiale et socioprofessionnelle des enfants en conflit avec la loi (ECL).

Cette approche réparatrice a aussi pour objectif la réparation des dommages causés à la victime et à la société, le rétablissement de la paix sociale. Elle implique ainsi la participation active de l’auteur ou des auteurs de l’infraction et, dans la mesure du possible, de la ou des victimes. Grâce à ce processus, les enfants en conflit avec la loi assument en général plus précisément la portée de leurs actes. 

Selon Thérèse de Villette, criminologue, la justice réparatrice est voie de résilience pour les auteurs et les victimes. « La justice réparatrice se focalise sur les conséquences d’un acte et non sur la culpabilité de l’auteur : celle-ci sera mise à jour par l’auteur lui-même en rencontrant des victimes… Elle met ainsi la victime au centre des préoccupations, contrairement à la justice pénale… Quand on est victime d’un vol ou d’un viol ou tout autre crime, on se pose toutes sortes de questions : pourquoi x a-t-il fait cela ? Pourquoi moi ? Cela recommencera-t-il ? Etc. Or qui est plus qualifié pour répondre que ceux qui ont commis des crimes semblables à ceux subis ? Les victimes qui ont vécu la justice restaurative, du moins sous la forme de Rencontres Détenus Victimes (RDV), en parlent comme d’une vraie libération personnelle…  »**

Pourquoi défendre les mesures alternatives à la privation de liberté

Pour les enfants en conflit avec la loi, dont plus de 410 000 sont encore aujourd’hui incarcérés chaque année dans le monde dans des maisons de détention et des prisons, la mise en place d’alternatives à la privation de liberté est une mesure essentielle. Comme l’affirme le pédopsychiatre Boris Cyrulnik dans Justice des mineurs. Questions majeures (Unicef, 2009) : « La prison est la pire des réponses. Elle provoque l’isolement sensoriel, l’arrêt de l’empathie, l’augmentation de l’angoisse, entretient les relations toxiques, l’humiliation. En sortant de prison, on constate que l’enfant n’est plus apte à réguler ses émotions. » Les traumatismes vécus par et pendant sa détention ont en effet souvent pour conséquences de le couper de sa reconstruction personnelle et sociale, et d’accélérer son ancrage dans la délinquance.

« L’expérience carcérale peut laisser des séquelles profondes et durables »

Pour ne donner qu’un exemple, une étude française publiée en 2011 et menée sur les sortants de prison avance un taux de recondamnation dans les cinq ans des mineurs de l’ordre de 70 %***. « Un enfant détenu est un enfant retenu dans son élan de développement. Cela interrompt parfois une scolarité ou un apprentissage, ce qui n’est pas de nature à aider un enfant en difficulté. Et puis, l’expérience carcérale peut laisser des séquelles profondes, durables, précise Alessandra Aula, secrétaire générale du BICE. Il est donc essentiel que la privation de liberté soit une mesure de dernier recours, décidée seulement quand les solutions en milieu ouvert (travail d’intérêt général, centre de réinsertion par exemple) sont impossibles. C’est ce que prône la Convention relative aux droits de l’enfant. »

Enfants en conflit avec la loi, ce que dit la Convention relative aux droits de l’enfant

Dans ses articles 37 et 41 notamment, la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE, aussi appelée en France CIDE) – à la rédaction de laquelle le BICE a œuvré et qui a été adoptée par les Nations unies en 1989 – prévoit en effet que :

 « Les enfants enfreignant la loi ne peuvent pas être tués, torturés ou traités de manière cruelle, ni emprisonnés à vie ou emprisonnés dans des prisons destinées aux adultes. La prison doit être la toute dernière option à envisager, et ceci pour une durée minimale. Les enfants en prison doivent bénéficier d’une aide juridique et garder un contact avec leur famille. »

 « Les États parties reconnaissent à tout enfant accusé d’infraction à la loi pénale le droit d’être présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ; de bénéficier d’une assistance juridique pour la préparation et la présentation de sa défense ; de ne pas être contraint de témoigner ou de s’avouer coupable. Les États parties veillent à ce que la vie privée des enfants soit pleinement respectée et leur assurent un traitement conforme à leur bien-être et proportionné à leur situation et à l’infraction. Ni la peine capitale ni l’emprisonnement à vie sans possibilité de libération ne doivent être prononcés pour les infractions commises par des personnes âgées de moins de 18 ans. »

Dans de nombreux pays, les enfants subissent des conditions de détention indignes et illégales

Malheureusement, ces articles de la CDE ne sont pas pleinement appliqués dans de nombreux pays. Sans parler des conditions d’emprisonnement, parfois indignes et illégales. Quelques exemples : détention avec les adultes, couchages spartiates, malnutrition, mauvaises conditions sanitaires, accès limité ou inexistant aux soins de santé et à l’éducation, activités quasi-inexistantes, difficulté à recevoir les visites des parents ou des proches… Ajoutons que nombre d’enfants sont incarcérés pour des délits mineurs – mendicité, vols mineurs – ou des infractions liées à leur statut de mineur, qui ne constituent pas des infractions pénales pour adultes. Notamment la violation des lois sur l’absentéisme et le couvre-feu, la désobéissance et la consommation d’alcool avant l’âge légal.

Quelles sont les actions menées par le BICE en direction des enfants en conflit avec la loi ?

Le plaidoyer et la formation

En vue d’obtenir un meilleur respect des droits des enfants en conflit avec la loi et de tendre vers le développement d’une justice réparatrice, le BICE et ses partenaires locaux mènent des opérations de plaidoyer auprès des instances nationales et internationales. Ces actions répondent aux violations des droits des enfants en conflit avec la loi constatées dans chaque pays. Elles s’adaptent aux réalités du terrain afin de faire concrètement évoluer les législations et les pratiques. Elles s’accompagnent également de formations en direction des acteurs de la justice, des agents de l’État et des travailleurs sociaux.

Entre 2012 et 2021, les actions menées par le BICE et ses partenaires dans le cadre du programme Enfance sans barreaux (2 phases) dans sept pays d’Afrique et Amérique latine ont permis une prise de conscience progressive des instances nationales sur la situation des enfants en conflit avec la loi et la nécessité de réformer le système de la justice pour mineurs (plus d’informations, ici).

Des avancées importantes qu’il faut consolider, renforcer. Afin que les ECL puissent voir l’ensemble de leurs droits respectés. C’est pourquoi le BICE continue d’être fortement mobilisé sur ce sujet.

L’accompagnement des enfants en conflit avec la loi

Parallèlement à ces opérations de plaidoyer et de formation, le BICE et ses partenaires accompagnent des enfants en conflit avec la loi et les aident notamment à se réinsérer sur les plans familial et socio-professionnel. Les actions diffèrent selon les pays. En Côte d’Ivoire et en République démocratique du Congo par exemple, ils soutiennent les enfants détenus en matière de santé et d’alimentation. Leur apportent un soutien psychologique, social et juridique et facilitent leur réinsertion familiale et socio-professionnelle. En Colombie, l’action se concentre sur six centres ouverts dans lesquels les activités de justice réparatrice et de réinsertion professionnelle sont développées.

« Tout en répondant aux besoins observés dans chaque pays, nos projets visent un seul et même objectif : l’application d’une justice humaine et réparatrice qui œuvre à la prise de conscience de l’enfant en conflit avec la loi de la portée de ses actes, à sa reconstruction psychologique, et à sa réinsertion sociale et professionnelle », conclut Alessandra Aula.

*  L’Étude mondiale de l’ONU sur les enfants privés de liberté  révèle qu’environ 1,5 million d’enfants sont privés de liberté dans le monde chaque année. Ce document examine la situation des enfants (âgés de moins de 18 ans) en conflit avec la loi incarcérés en maison de détention ou en prison (+ de 410 000) ; vivant en prison avec un parent ou tuteur ; privés de liberté dans le contexte de la migration (+ de 330 000) ; placés en institution (entre 430 000 et 680 000 enfants) ; privés de liberté dans le contexte des conflits armés ; privés de liberté en relation avec la sécurité nationale.

** https://www.xavieres.org/2020/11/15/la-justice-reparatrice-comme-une-voie-de-resilience/

***KENSEY Annie ; BENAOUDA Abdelmalik, Les risques de récidive des sortants de prison. Une nouvelle évaluation, in Les cahiers d’études pénitentiaires et criminologiques N°36 de mai 2011.

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