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Activité de soutien psychologique de WCU auprès de la population ukrainienne meurtrie par la guerre.
Activité de soutien psychologique de WCU auprès de la population ukrainienne meurtrie par la guerre. © WCU
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Interview. Zoom sur nos actions de soutien psychologique en Ukraine

Le BICE soutient depuis les premiers jours de la guerre en Ukraine son partenaire de longue date Women’s Consortium of Ukraine (WCU) mobilisé auprès des familles restées dans le pays. Svitlana Tarabanova, coordinatrice des projets en direction des enfants, nous explique les actions mises en place notamment en matière de soutien psychologique.

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Quelles actions WCU met-il en place pour aider les familles ukrainiennes ?

Au début de la guerre, nous avons mené de nombreuses actions d’aide humanitaire pour les familles déplacées internes ou non : distribution de denrées alimentaires, de vêtements, de couvertures. C’était la priorité, mais déjà nous y avions intégré un volet « soutien psychologique » puisque c’est le cœur de notre métier. Aujourd’hui, nous avons largement développé ce deuxième type d’actions avec une ligne téléphonique d’écoute, des lieux de rencontre et aussi des formations « résilience » pour aider à une meilleure prise en charge. Nous accompagnons également des associations de femmes partenaires partout dans le pays par le biais de formations, de conseils, d’aides logistiques. Et nous participons à un projet de rénovation des écoles. Nous sommes également en train de monter une opération pour aider les femmes victimes de violences.

Pouvez-vous nous expliquer plus en détail le projet Enfance sans violences en matière de soutien psychologique ?

Grâce au soutien du BICE, nous développons plusieurs actions parallèles sur cette thématique. Nous menons par exemple avec l’Université catholique de Milan, membre comme WCU du réseau BICE, une formation résilience auprès d’une dizaine de psychologues. La résilience est une approche très intéressante en période de guerre. Et le contenu proposé a été spécifiquement adapté à notre contexte. Tout en transmettant aux professionnels une méthode, des techniques et outils pour accompagner les enfants et les parents fragilisés par le conflit, ils sont eux-mêmes aidés à mieux faire face aux traumatismes qui les touchent personnellement. Il ne faut pas oublier qu’ils vivent aussi la guerre. À ce sujet, le suivi proposé est tout aussi essentiel pour poursuivre le travail.

Vous parliez de plusieurs actions parallèles… 

Oui. Une formation résilience a également été dispensée à de jeunes leaders ukrainiens, âgés entre 16 et 22 ans, l’année dernière pour les aider sur le plan psycho-social, mais aussi pour leur permettre de soutenir leur entourage. Ces jeunes sont en demande, ils ont besoin de se sentir utiles en cette période de guerre… L’entraide est une bonne réponse à ce besoin d’agir. Fin février, nous poursuivrons ce travail par une formation à l’utilisation de ce qu’on appelle le livre thérapeutique ou livre silencieux. L’objectif est qu’ils élaborent un livret prenant en considération le contexte, la culture et la tradition des contes en Ukraine. D’autres groupes, notamment une soixantaine d’éducateurs et de travailleurs sociaux, suivront également une formation similaire. Les livres créés pourront ensuite être utilisés dans l’accompagnement des enfants.

Qu’est-ce qu’un livre thérapeutique ?

Le livre thérapeutique (ou Silent book) est un conte métaphorique illustré qui aide les jeunes enfants (7-12 ans) à réfléchir sur des questions complexes et à partager leurs pensées et leurs émotions avec le groupe. L’objectif ultime du livre – qui est accompagné d’un guide sur son utilisation – est de promouvoir la résilience des enfants. Différents ateliers ludiques et créatifs sont prévus autour de la lecture du livre pour aider les enfants à raconter ce qu’ils ont vécu, à parler…

Vous ouvrez également cette année un espace résilience à Kiev ?

En effet, grâce à un autre nouveau projet « Renforcer la résilience des enfants et des familles affectés par le conflit en Ukraine » soutenu par le BICE. Ce lieu animé par deux psychologues et deux assistantes sociales devait ouvrir en janvier mais, à cause des bombardements massifs sur la ville ces dernières semaines, nous avons dû repousser son ouverture. On espère y accueillir du public le plus vite possible. Cet espace se compose de deux salles, l’une pour les séances individuelles, l’autre pour les séances de groupe. Ces dernières sont très importantes car les familles ont tendance à se refermer sur elles-mêmes, à vivre en huis clos. Ce qui n’est souvent pas bon pour l’équilibre des enfants comme celui des parents.

Inauguration de l’espace Résilience à Kiev début juin

Un espace mobile est aussi prévu, comment s’organisera-t-il et quel est son objectif ?

Nous avons prévu de nous rendre dans les villages reculés autour de Kiev et de Tchernigov. Certains villages tristement célèbres bénéficient de nombreuses aides humanitaires, mais d’autres ne voient passer aucun secours. Nous allons donc d’abord proposer une aide humanitaire, matérielle aux habitants, puis les inviter à venir échanger dans l’espace « écoute ». Il sera accessible dans une tente équipée de chaises, de tables, de jouets pour les enfants que nous installerons au centre des villages, ou près d’une école. Nous commencerons ces visites quand il fera un peu moins froid.

Pourquoi est-il si important de développer le soutien psychologique dès maintenant ?

Ce soutien est essentiel car la guerre provoque des états de stress aigu, de la peur, de nombreux traumatismes. Accompagner les enfants, les adolescents et même les adultes dès maintenant, notamment avec l’approche résilience, les aide à commencer à accepter la réalité telle qu’elle est, à surmonter les épreuves, à trouver les ressources nécessaires en eux et dans leur entourage. Cela les aide aussi à ne pas perdre leur réflexe d’auto-défense malgré la situation qui perdure. À continuer, par exemple, à se rendre dans les abris quand ils entendent les sirènes.

Portez-vous une attention particulière aux enfants ?

Oui, nous y sommes très attentifs car les enfants sont souvent laissés seuls avec leurs angoisses. Il est fréquent que les parents soient tellement fragilisés qu’ils n’arrivent plus à les soutenir.  De plus, le niveau d’agressivité est très élevé dans la société actuellement. L’agressivité que les gens ressentent par rapport à l’ennemi se répercute parfois ailleurs. Il est donc important de modérer cela et de transmettre des valeurs positives aux jeunes.

Est-il fréquent que le travail de résilience, de soutien psychologique se fasse pendant une guerre ou une catastrophe ?

Il est en effet nettement plus fréquent que ce travail soit mené après que le traumatisme a été vécu. Pourtant, comme je le disais précédemment, ce travail est dès à présent essentiel. Plus les personnes sont accompagnées tôt, moins elles risquent de souffrir de traumatismes profonds. Intervenir en temps de guerre oblige les professionnels à se réinventer, à adapter leurs méthodes, à travailler en parallèle sur eux-mêmes. Dans notre équipe, par exemple, nous nous soutenons énormément, nous laissons à chacun le temps de souffler si nécessaire pour que personne ne s’épuise, nous nous relayons…

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