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formation résilience à Bethléem
La 3e journée de formation de tuteurs de résilience a pu être menée avec la participation d'un groupe d'enfants ©Verónica Hurtubia

Bethléem. Une formation pour soutenir la résilience des enfants

Née de la collaboration entre le Bureau International Catholique de l’Enfance (BICE) et les associations Francesco Realmonte et Pro Terra Sancta, une formation de tuteurs de résilience a été organisée à Bethléem en avril 2025. Elle a été animée par l’experte Verónica Hurtubia de l’université catholique de Milan. Interview.

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Pourquoi cette formation de tuteurs de résilience à Bethléem ?

Cette formation a été organisée à la demande de personnels sur le terrain – volontaires italiens, travailleurs sociaux et éducateurs locaux – de l’association Pro Terra Sancta, partenaire du BICE. Ils souhaitaient renforcer leurs compétences en matière de soutien psychosocial. Et ce, afin de mieux répondre aux besoins des enfants, dans un contexte marqué par l’instabilité et l’impact émotionnel de la guerre. La formation, prévue en septembre 2024, a dû être reportée en avril 2025 en raison de la situation sécuritaire. Ce qui, je pense, a encore accru sa pertinence.

Dans quel état d’esprit étaient les participants ?

Le climat émotionnel était intense. Bien qu’il n’y ait pas d’attaques directes à Bethléem, la pression sociale et économique est palpable, aggravée par l’absence totale de tourisme, principale source de revenus habituellement. Cette incertitude et la difficulté à entrevoir un avenir meilleur ont nourri un esprit de résistance, très ancré dans la population palestinienne. Au cours de la formation, la relation entre résilience et résistance a d’ailleurs fait l’objet d’un débat intense.

Pouvez-vous nous en dire plus sur ce débat résilience-résistance ?

Lorsque je commence une formation sur la résilience, j’évoque les « faux amis », les définitions erronées de la résilience. Cette introduction est essentielle car la résilience est souvent mal comprise. Parmi les erreurs courantes, il y a celle de la confondre avec le concept de résistance. Associée à la force et à la capacité de faire face à l’adversité sans ployer, la résistance renvoie à l’idée d’invulnérabilité — ne pas montrer de faiblesses, ni se plaindre. La résilience est d’une autre nature. Elle implique d’accepter que nous puissions tomber, nous tromper et ressentir de la douleur, puis d’intégrer ces épreuves dans un processus de développement personnel.

Ainsi, quand la résistance, comprise comme une lutte rigide contre tout ce qui arrive, peut limiter la capacité de dialogue, de créativité et de recherche de nouvelles stratégies, la résilience nous invite à être flexibles, à accepter le soutien d’autrui, à être acteurs de notre vie, en prenant de petites mesures pour changer les choses, même dans des contextes difficiles.

Une distinction importante dans le contexte palestinien ?

Oui. Le contexte palestinien est un exemple clair de la difficulté à distinguer ces concepts. La résistance est une valeur profondément ancrée dans l’identité collective palestinienne. C’est pourquoi, dans la formation, je reconnais et respecte cette dimension culturelle de la résistance, dans sa signification positive de constituer un moteur pour aller de l’avant, travailler et contribuer à la communauté, mais j’invite également à réfléchir à la manière dont la résilience peut compléter cette résistance, en apportant flexibilité, créativité et attention à soi-même et à la communauté.

Quels sont les enfants et les adolescents que les participants à la formation accompagnent ?

La dizaine de professionnels formés travaillent principalement avec des enfants et des jeunes palestiniens vivant à Bethléem. Ils travaillent notamment avec trois groupes : des garçons du foyer franciscain, issus de familles vulnérables et scolarisés dans l’une des écoles de Pro Terra Sancta, des enfants en situation de handicap d’un foyer dirigé par des religieuses argentines et, plus récemment, des enfants déplacés de Gaza qui résident depuis le début du conflit actuel dans les locaux de SOS Villages d’Enfants.  Il est estimé que 80 enfants bénéficieront indirectement de cette formation.

Comment s’est organisée la formation ?

Durant deux journées, les participants ont été initiés à la notion de résilience, au rôle du tuteur de résilience et aux activités à mettre en place auprès des enfants et des adolescents. A notamment été présenté le livre silencieux UGA, la tortue résiliente, un outil innovant développé avec le BICE. La troisième journée a permis de mettre cette méthodologie en pratique auprès d’un groupe de 10 enfants, offrant ainsi l’opportunité de mesurer concrètement son impact sur le terrain.

Quelques mots sur cette dernière journée en contact direct avec les enfants ?

L’utilisation du livre silencieux a été privilégié car il permet aux enfants de s’identifier aux personnages et de réinterpréter l’histoire à partir de leur propre vécu. Cette approche favorise l’expression des émotions et le déclenchement de processus de résilience. L’un des moments marquants a été celui où une enfant a décidé de partager spontanément ce que l’histoire lui inspirait.  Elle s’est levée devant le groupe et a dit : « Je me sens comme UGA, avec sa carapace… sa carapace cassée ». Cela a représenté un grand pas en avant pour cette petite fille habituellement en retrait. En fait, tout le monde était très ému.

Avez-vous intégré à votre formation des exemples spécifiques au contexte palestinien ?

Aucun cas local n’a été présenté afin d’éviter d’influencer les perceptions du groupe. Nous avons préféré que les participants partagent leurs propres réalités et les comparent à des exemples d’autres contextes, ce qui leur a permis d’évaluer leurs pratiques et d’en découvrir de nouvelles. Ils ont ensemble identifié la résilience comme un olivier, symbole d’enracinement face à l’adversité.

Selon vous, quels effets concrets cette formation peut-elle avoir sur les pratiques des participants ?

La formation a doté les participants de nouvelles méthodologies et de nouveaux outils qu’ils appliquent déjà avec différents groupes d’enfants et d’adolescents. L’enthousiasme et l’appropriation du matériel suggèrent que son utilisation va se généraliser, permettant un accompagnement plus efficace et mieux adapté aux besoins émotionnels des jeunes bénéficiaires. Le fait que les enfants commencent à s’ouvrir et à partager leurs expériences constitue une première étape essentielle pour surmonter le traumatisme. Cela favorise la confiance en soi et en l’autre, l’expression émotionnelle, deux éléments fondamentaux du processus de résilience.

Quels sont les principaux défis pour la mise en pratique des connaissances acquises ?

Le plus grand défi est d’assurer la continuité des formations et l’accompagnement des participants. Des réunions de suivi virtuelles en petits groupes sont ainsi organisées, en attendant l’organisation d’une prochaine rencontre en présentiel, essentielle pour certains apprentissages.

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