Pourriez-vous nous présenter le projet en quelques mots ?
Laura : Le projet « Renaître entre les murs » a permis de renforcer la résilience de 20 adolescents, âgés entre 14 et 18 ans, détenus dans le centre pour mineurs Alfonso Ugarte près d’Arequipa. Ce centre, comme la plupart des lieux de rétention d’ailleurs, ne dispose pas d’assez de psychologues pour mettre en place un accompagnement adapté alors que la situation le nécessite. Ce projet mené avec le BICE était donc important pour aider les jeunes à faire face aux difficultés présentes dans l’environnement carcéral et à se préparer à affronter les défis qui peuvent survenir une fois libérés. Cela permet non seulement d’améliorer leur santé mentale, mais aussi de réduire les taux de récidive.
Roberto : Lors de ce projet, nous avons également élaboré un guide d’accompagnement par la résilience des enfants en conflit avec la loi. Cet outil peut être utilisé plus largement par la justice juvénile péruvienne pour améliorer le bien-être psychologique des jeunes détenus, identifier ceux qui ont besoin d’interventions spécifiques et multiplier leurs chances de réinsertion.
Avant la mise en place de ce projet, l’équipe d’OPA Niños Libres a suivi une formation sur la résilience appliquée organisée par le BICE, qu’est-ce que cela vous a apporté ?
Laura : Outre le renforcement de nos connaissances sur la résilience et les ateliers à proposer aux jeunes, cette formation nous a appris l’importance d’humaniser le regard que l’on porte sur les adolescents en conflit avec la loi. Ces adolescents ne sont, en général, plus considérés par la société. Ils ne sont plus perçus comme des sujets de droits. Y compris par le personnel au sein des centres fermés qui ne connaissent ni leur prénom, ni leur histoire. Et pour qui, le seul mode relationnel à appliquer est la punition.
Roberto : Ceregard négatif porté sur eux a pour conséquence qu’ils croient qu’ils ne comptent pas aux yeux des autres. Ils ne s’autorisent pas non plus à s’aimer. On les entend souvent dire : « Que je meurs ou que je vive, quelle importance ! » Dans ce contexte, le fait que lors de nos ateliers Résilience, nous les traitons avec respect et humanité, nous les écoutons et prenons en compte leur parole est primordial. Cette attitude les incite à se regarder sous un autre angle. Un premier pas vers le changement.
Comment les jeunes détenus perçoivent-ils ces ateliers ?
Laura : Au début, ils ne voulaient pas venir à nos ateliers hebdomadaires. Ils étaient présents seulement par obligation. Et puis, le jour où on les a vus venir de leur plein gré, il était clair qu’un pas essentiel avait été franchi, que l’on était sur la bonne voie. Chacun des 20 participants a eu ce déclic lors du dernier projet. Cela est source d’espérance pour leur futur et une fierté pour notre association !
Sur quelles thématiques avez-vous principalement travaillé avec eux ?
Laura : Nous avons beaucoup travaillé sur la confiance en soi, l’expression des émotions, la prise de conscience de leurs actes passés pour qu’ils saisissent le sens de la sanction. Il est tout aussi important qu’ils retrouvent l’estime d’eux-mêmes, qu’ils perçoivent leur potentiel. Ces jeunes ont pour la plupart eu une enfance difficile, certains ont grandi en foyer, ont été victimes de violences. Ces ateliers Résilience les aident donc à évacuer leur colère, à être plus apaisés, à oser croire en eux.
Roberto : La résilience permet aussi de travailler sur une temporalité différente, de se projeter dans l’avenir. Ce que n’arrivent pas à faire la plupart de ces jeunes en conflit avec la loi. Pour eux, il n’y a que le passé et le présent. Parce qu’ils n’ont aucune espérance en un futur différent. Lors des ateliers, nous les aidons donc à comprendre que leurs infractions passées ne les définissent pas à vie. Il est important qu’ils s’autorisent à envisager un avenir autre, sans prison.
Le projet incluait également du sport. Pourquoi ?
Roberto : Le sport est un outil intéressant pour favoriser la résilience. Il aide à la gestion des émotions, à une meilleure connaissance de soi et favorise le travail en équipe. Il permet de réunir des gens, parfois très différents, autour d’un même objectif, de développer un sentiment d’appartenance. Sans oublier que pendant un match de football, les jeunes ne sont plus des infracteurs mais des sportifs. C’est comme ça qu’ils se voient parce que les autres les considèrent ainsi à ce moment-là.
Développer la résilience des enfants en conflit avec la loi joue un rôle essentiel à leur sortie de prison. Cela permet de diminuer les récidives, un enjeu de taille. Pour favoriser la réinsertion des adolescents, vous allez par ailleurs mettre en place à l’automne un autre projet avec le BICE, pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Laura : Grâce à une autre formation du BICE à laquelle nous avons participé le printemps dernier, nous allons en effetfavoriser l’insertion économique de huit jeunes. Formés à la préparation et la vente de emolientes (boissons typiques de la région fabriquées avec une infusion d’herbes et de plantes), à la gestion d’une micro-entreprise, à l’épargne, les bénéficiaires seront aussi soutenus financièrement pour lancer leur activité. Notre objectif est d’aider ces jeunes à développer leur projet de vie dans la légalité et, partant, à être appréciés à leur juste valeur. Nous voulons aussi favoriser leur intégration au sein de la communauté. Changer le regard, toujours. Pour cela, leurs points de vente seront positionnés devant des lieux emblématiques comme la mairie, l’université, etc.