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Ukraine espace résilience de WCU - soutien psychologique apporté aux enfants grâce notamment aux livres silencieux
Espace Résilience, Kiev © WCU
Publié le

Interview. « Je voudrais que chaque enfant, malgré la cruauté qui nous entoure, continue à croire en lui »

Avec son partenaire local WCU, le BICE a mis en place une formation « résilience » en direction de jeunes Ukrainiennes. L’objectif étant de les aider à surmonter la situation afin qu’elles puissent ensuite soutenir leurs proches, se sentir utiles en aidant notamment des enfants meurtris par la guerre. Suite à cette formation, certaines participantes, rejointes par des étudiantes en psychologie, ont créé leur livre silencieux, une expérience innovante. Trois d’entre elles nous racontent.

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Quelles sont les thématiques que chacune d’entre vous a choisi d’aborder dans son livre ?

Sofia : J’y évoque le fait que même si la situation semble désespérée, sans issue, nous pouvons accomplir de grandes choses, avec l’aide de nos proches. Dans mon livre, la solidarité permet d’éteindre un feu de forêt et de vivre. Il est important pour moi de transmettre l’idée que malgré la perte de notre maison, de nos affaires, malgré le déracinement, ensemble, nous pouvons nous relever.

Tanya : Je suis partie d’une image qui me revenait souvent en tête : un petit enfant sans défense assis dans le coin d’une pièce. J’ai pensé au fait que beaucoup d’adultes cachent un tel enfant en eux, parce qu’ils pensent devoir paraître forts, courageux, décidés. Mon livre raconte donc l’histoire d’un petit moi qui se cache de la peur dans l’espoir qu’elle ne lui enlèvera pas ses rêves. Mais cela l’empêche d’avancer. Il décide alors de vaincre sa peur. Grâce à sa volonté et au soutien de ses proches, il reprend confiance en lui et y arrive.

Nastia : Au cours des premiers mois de la guerre, j’ai traversé, comme des millions d’Ukrainiens, une période difficile sur le plan psychologique. Lorsque vous voyez des gens souffrir et mourir tous les jours et que tout ce que vous faites pour aider se noie dans l’incompréhensible cruauté humaine, vous perdez espoir. Vous vous dites : est-ce utile d’essayer de changer quoi que ce soit alors qu’il n’y a aucune chance de compenser tout le mal que la guerre fait à notre pays, à notre peuple. Avec le temps, j’en suis venue à la conclusion que si ce que nous faisons rend le monde meilleur pour au moins un être vivant, ça en vaut la peine. Mon livre parle de ça, à travers l’histoire d’un petit garçon qui réussit à sauver quelques-unes des innombrables étoiles de mer rejetées sur le rivage…

Quels sont les avantages du livre silencieux ?

Nastia : Le livre muet efface les restrictions de langue, d’âge et de culture, ce qui permet de s’adresser à davantage de lecteurs. C’est merveilleux de voir comment chaque personne peut s’arrêter sur un détail d’une image et ainsi orienter l’histoire en fonction de ce qui lui parle.

Sofia : Sans paroles, sans mots, il laisse beaucoup de place à l’imagination. Chacun interprète les images à sa façon, ce qui facilite l’expression des émotions. Cela aide le psychologue à travailler avec l’enfant sur ses sentiments profonds.

Quand ces livres vont-ils être utilisés ?

Tanya : Ils sont mis à disposition des psychologues dans l’espace résilience ouvert à Kiev en juin par WCU.

Sofia : Je suis bénévole dans cet espace résilience et je pense en effet utiliser le livre que j’ai créé dans le cadre de mon travail avec les enfants. Cet ouvrage, qui prend la forme d’un conte de fée, me permettra de parler avec les enfants de l’importance de l’entourage et du soutien qu’il peut nous apporter.

Qu’est-ce que ce travail vous a appris ?

Sofia : Être formée à ces techniques et méthodes psychologiques inhabituelles et innovantes m’a beaucoup plu. D’autant que cela correspond à mes études et à mon futur métier de psychologue.

Nastia : C’était une expérience forte d’écoute de soi et de prise de conscience de ce qui nous touche, de ce que l’on souhaite raconter. Et puis, le travail en équipe a été incroyable. Même si chacun créait son histoire, nous avons souvent échangé sur les différents récits, les façons de les illustrer. C’était enrichissant, inspirant.

Tanya : J’ai nettement amélioré ma capacité à exprimer mes pensées et ma façon de travailler avec les autres. Imaginer une histoire, dessiner des personnages, tout cela était nouveau pour moi, intéressant et gratifiant. J’ai réalisé que même avec des images simples, on peut créer un outil utile pour travailler ensuite avec les enfants. Et puis, j’ai rencontré des personnes formidables. Nous nous soutenons. C’est important vu ce que nous vivons.

Qu’aimeriez-vous dire aux enfants ukrainiens ?

Nastia :  Les enfants et les jeunes sont l’avenir de notre pays et du monde dans lequel nous vivons. Je voudrais que chaque enfant, malgré la cruauté qui nous entoure aujourd’hui, continue à croire en lui et trouve la force d’aller de l’avant.

Sofia : Accrochez-vous, tout ira mieux. Étudiez beaucoup et développez-vous. Vous êtes l’avenir de l’Ukraine. Parlez votre langue maternelle, aimez votre culture.

Tanya : J’aimerais leur dire qu’ils ne sont pas seuls. Que beaucoup de gens comme eux ont déménagé, loin de leurs repères, ont perdu des êtres chers. Que beaucoup de gens les comprennent et sont prêts à les soutenir.

Comment voyez-vous l’avenir ?

Tanya : Je n’en dirai pas trop. Il sera paisible et heureux.

Sofia : Il m’est difficile de le dire. J’espère vraiment la victoire et j’y crois. L’Ukraine redeviendra un pays où il fera bon vivre, tout le monde rentrera chez soi.

Nastia : Comment savoir… Mais quoi qu’il en soit, je ferai de mon mieux pour que mes enfants vivent dans un monde meilleur que le nôtre : sans guerre, sans dictature et sans violence.

*Sofia a 19 ans. Elle étudie la psychologie à l’université Mykhailo Dragomanov à Kiev. Elle est originaire de Severodonetsk, dans la région de Luhansk.

Tanya a 21 ans. Elle vient d’obtenir son diplôme en psychologie. Elle vit temporairement en Pologne.

Nastia a 20 ans. Elle étudie en ligne à la faculté d’économie de l’université de Kharkiv et participe à un programme destiné aux étudiants ukrainiens à l’université de New York à Prague sur les droits de l’homme et les sciences politiques. Elle est originaire de Horlivka et rend régulièrement visite à sa famille à Chernivtsi.

Notre démarche

« Nos différents projets, soutenus par le BICE, visent à aider les enfants et leurs familles qui vivent la guerre et en subissent toutes les horreurs. Au début, il s’agissait d’une aide humanitaire et d’un premier soutien psychologique. Mais vu la situation, il nous a semblé nécessaire de multiplier et renforcer les appuis psychologiques. D’où l’idée d’enseigner la résilience à de jeunes « leaders ». Pour les aider, pour qu’ils soutiennent leur entourage (petits frères et sœurs notamment…) et, quand ils le peuvent, nous accompagnent dans nos actions auprès d’enfants et d’adolescents. La création de livres silencieux est venue ensuite*, en continuité du projet précédent.  C’est un outil formidable pour travailler avec des enfants qui ont subi des traumatismes et vivent dans la peur. Les thématiques de chacun des livres créés sont très variées, ce qui va nous permettre d’aborder différents sujets avec les enfants », explique Svetlana Tarabanova, chargée de ce projet à WCU.

* Ce projet, soutenu par la région Ile de France, a également permis de développer des espaces mobiles « résilience » qui se rendent dans les villages autour de la capitale à la rencontre des habitants.

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