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Action éducative au Cambodge
Action éducative au Cambodge © OEC

Le BICE plaide à l’onu en faveur de la petite enfance

Le BICE intervient jeudi 13 mars devant le Conseil des droits de l’homme pour défendre le droit des jeunes enfants à une éducation de qualité et alerter sur le manque de programmes adaptés dans plusieurs pays.

L’équipe de rédacteurs. Publié le
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À l’occasion de la 58e session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, le BICE mène un plaidoyer actif en faveur des droits de l’enfant. Fort de son expertise et de son statut consultatif, il intervient notamment lors de la journée de débat consacrée cette année au développement de la petite enfance.

Dès février, le BICE a présenté une communication écrite basée sur ses observations de terrain et celles de ses partenaires locaux au Cambodge, au Paraguay et au Guatemala concernant l’éducation de la petite enfance. Ce document vise à alerter sur le manque de programmes adaptés pour les jeunes enfants et à formuler des recommandations concrètes pour renforcer leurs droits. Cette démarche est complétée par une intervention orale prévue le 13 mars devant le Conseil.

La 58e session, qui se tient du 24 février au 4 avril 2025, rassemble États membres, observateurs, organisations internationales, experts et associations pour examiner la situation des droits de l’homme à travers le monde et traiter de nombreuses thématiques, dont celles liées aux droits de l’enfant.

Communication écrite : le programme public de préprimaire, parent pauvre des efforts des autorités du Cambodge, du Guatemala et du Paraguay en matière d’éducation

1. Force est de reconnaitre que la Convention relative aux droits de l’enfant ne prévoit pas de manière spécifique et explicite de dispositions portant sur la petite enfance et des orientations stratégiques, institutionnelles et programmatiques des États parties à la Convention. Par la même occasion, les États sont peu enclins à fournir des informations pertinentes et complètes aux organes de traités, notamment le Comité des droits de l’enfant, à l’Examen périodique universel et au Forum politique de haut niveau sur la Cible 4.2 relative à la petite enfance particulièrement, l’éducation des petits enfants avant l’accès à l’école primaire.

2. Par ailleurs, dans la Déclaration de Tashkent de 2022, les États se sont engagés à consacrer au moins 10 % des dépenses d’éducation à l’enseignement préprimaire et à réorienter les dépenses publiques en faveur de l’éducation et à une protection de la petite enfance (EPPE) afin qu’elles soient concentrées sur les plus pauvres et les plus défavorisés. Les engagements pris au titre de cette Déclaration couvrent également le recrutement et la formation du personnel de l’EPPE afin qu’il dispose des compétences nécessaires pour créer des environnements d’apprentissage précoce sûrs, sains et stimulants, comme le soulignent également les Directives sur la promotion du travail décent pour le personnel de l’éducation de la petite enfance de l’Organisation internationale du travail (OIT). Ces engagements sont rarement tenus.

3. Au Cambodge, au Guatemala et au Paraguay où le Bureau international Catholique de l’Enfance réalise le projet Écoles sans Murs 2 avec ses partenaires Callescuela, la fondation Pedro Poveda et Opération Enfants du Cambodge (OEC), l’insuffisance ou le déficit de programmes constructifs pour la petite enfance, notamment dans le préscolaire est une source de préoccupation. Bien plus, les programmes existants sont mis en œuvre dans les zones urbaines délaissant les enfants et les familles des zones isolées et rurales. Lorsque ces programmes existent, ils sont le plus souvent l’œuvre de groupes privés qui pratiquent des prix prohibitifs hors de portée de la capacité financière de la majorité des familles. Il urge que les autorités de ces trois pays donnent, sans discrimination aucune, les mêmes chances et les mêmes opportunités à chaque enfant indépendamment du rang social de ses parents ou de sa situation géographique sur le territoire national.

4. Au Paraguay, le plan national intégré de développement de la petite enfance, la stratégie nationale pour le développement de la petite enfance et le programme d’investissement dans l’éducation et la formation de la petite enfance soutenus par la Banque mondiale, ont présenté notamment comme résultat en 2023 une couverture de l’école maternelle des enfants de 4 ans à hauteur de 54 % et de 15 % pour les enfants de 3 ans. Dans les faits, ces résultats ont été obtenus en milieu urbains, notamment à Asunción, la capitale.

5. Dans le département de Alto Parana, principalement dans les municipalités et communautés rurales et démunies de Presidente Franco, Minga Guasú et Hermandarias, le préscolaire et l’apprentissage précoce des enfants relèvent davantage du travail des associations et du secteur privé. Les municipalités ne reçoivent guère de dotations financières appropriées pour financer et soutenir le service public à destination de la petite enfance et son éducation. Callescuela, une association locale investie dans l’éducation préscolaire et scolaire, a développé et systématisé une méthode d’accompagnement des centres d’éducation pour la petite enfance (CEPI)*  qui s’inscrit dans les repères tracés par l’Observation générale n°7 du Comité des droits de l’enfant. Les CEPI œuvrent au sein de ludothèques et bibliothèques, y compris mobiles, associent éveil précoce, jeux, loisirs et apprentissage de base, stimulent la créativité chez les enfants et développent une synergie dynamique avec les parents (mères et pères) et les communautés.

6. Au Guatemala, le développement des capacités nécessaires aux processus de maturation et d’apprentissage par lesquels passent les enfants pour acquérir progressivement des connaissances, des compétences et la capacité de comprendre, est encore faible. La fondation Pedro Poveda (FPP) offre aux enfants de 4 ans et plus des services de bibliothèque, de ludothèque, et des ateliers de lecture, dans la municipalité de Chinautla. Une bibliothèque mobile se déplace également dans des communautés rurales pour faciliter l’accès aux services dans ce milieu.

7. Dans le cadre de son Cambodia’s Education 2030 Roadmap qui comprend des réponses pour atteindre la Cible 4.2 de l’ODD4 , le Cambodge a fixé comme priorité que « tous les jeunes enfants de moins de 5 ans bénéficient d’un meilleur accès à des services de qualité en matière de développement de la petite enfance, d’accueil et d’éducation préprimaire, et sont pleinement préparés à l’enseignement primaire » . Le taux net d’accès au préscolaire des filles et garçons de 3 à 5 ans est fixé à 51,8 % d’ici 2030 et nécessite au moins un investissement d’environ 10% du budget national dédié à l’éducation.

8. Selon l’étude de l’Unesco**, il existe un déficit d’investissement dans le préprimaire, notamment dans la Province de Preah Sihanouk où le taux net d’enrôlement des enfants ne dépasse guère 25%. À Preah Sihanouk, Opération Enfants du Cambodge (OEC), une association locale, a mis en place, en l’absence de dispositif préscolaire de l’État, des écoles non formelles (ENF) pour assurer l’accès au préprimaire des enfants des Districts ruraux de Prey Nob (communes de Ream et Ta-Ney) et de Kg Seila (communes de Kg Seila, Obakrotes, Chamkalong et Stueng Chhay). Toutefois, le passage des enfants des ENF au système éducatif officiel n’est pas garanti par une convention et l’État ne subventionne ni les activités en faveur des enfants ni la formation des enseignants. L’ancrage communautaire des ENF et la mobilisation des forces vives villageoises telles que le Commune Committee for Women and Children (CCWC) et le District Committee for the Protection of Children (DCPC) permettent d’offrir un accès au préprimaire aux enfants qui, autrement, ne pourraient accéder à l’école qu’à plus de 10km de leur domicile sur un parcours où ils peuvent être victimes de violences et d’agressions.

Recommandations

Aux autorités du Cambodge, Guatemala et Paraguay :

a) Adopter et mettre en œuvre avec les services et ressources humaines inhérents, une politique d’au moins une année d’école de la petite enfance gratuite et obligatoire pour permettre aux enfants défavorisés d’y avoir accès surtout en zones rurales et enclavées.

b) Développer les activités de loisirs, de jeux, de lecture et de calculs ainsi qu’une synergie d’actions entre l’EPPE, les parents et les communautés sur la parentalité et les droits de l’enfant.

c) Favoriser, par des conventions, la transition entre les Ecoles non formelles et l’accès au système scolaire officiel et une collaboration renforcée entre les acteurs des deux niveaux.

10. Aux Etats membres du Groupe de travail de l’Examen périodique universel :

Considérer la formulation systématique, lors de chaque session de l’EPU, de recommandations relatives à la mise en œuvre effective de la Cible 4.2 de l’Objectif 4 des ODD et des recommandations de la Déclaration de Tachkent et Engagements à l’action pour la transformation de l’éducation et la protection de la petite enfance.

Au Comité des droits de l’enfant :

Désigner, dans le cadre de Task Force qui analyse en profondeur les situations de pays sous examen, un.e expert.e spécialiste de la petite enfance en accord avec son Observation générale n° 7 de 2005 (CRC/C/GC/7/Rev.1) qu’il convient d’actualiser au regard de l’importance de l’éducation et à une protection de la petite enfance.

Aux partenaires techniques et financiers :

Veiller à ce que les financements et les appuis techniques à l’éducation et à une protection de la petite enfance (EPPE) couvrent les zones rurales, enclavées et isolées des pays soutenus.


Callescuela, FPP et OEC, des ONG sans statut consultatif, partagent également les opinions exprimées dans cet exposé.

1. Étude : Sistematización – Centro de Primera Infancia, CEPI, BICE, 2022.

2. Unesco, Costing and financing of SDG 4.2 in Cambodia

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