« Aller vers les périphéries, pas seulement géographiques, mais également celles de l’existence. »
C’est ainsi que le pape François invite régulièrement les chrétiens à agir. Mais où se trouvent ces périphéries ? Les bidonvilles de Buenos Aires où le Père Adrian a choisi d’exercer son ministère de prêtre comptent certainement parmi celles-ci.
Pour nous rendre dans sa petite église, nous traversons un labyrinthe de ruelles de terre étroites, bordées d’abris en détritus. Les égouts sont à ciel ouvert, la chaleur étouffante, l’air difficilement respirable. Mais autour de nous, ce ne sont que salutations et sourires au passage du père Adrian.
C. Serrano : Les prêtres des bidonvilles ne sont pas des prêtres comme les autres…
Père Adrian. Les prêtres des bidonvilles sont présents à Buenos Aires depuis plus de 50 ans. S’ils ont d’abord rejoint les bidonvilles en tant que prêtres ouvriers, ils se sont rapidement rendus compte que, dans ces quartiers, on attendait plus de leur présence. Ils devaient assurer leurs missions de prêtre, baptiser les enfants, mais aussi lutter avec les autres habitants pour l’accès aux droits : droit à l’eau, au logement, à l’éducation. Le rôle des prêtres des bidonvilles a bien sûr évolué au fil des années. Mais si leur présence perdure, c’est qu’ils ont su se montrer proches de la population, engagés et heureux de vivre avec elle et de partager une foi simple et profonde…
En tant que prêtres des bidonvilles, quel est votre rôle ?
Notre porte n’est qu’une porte de plus dans le quartier, à laquelle on peut toujours venir frapper. Nous accompagnons la vie, ‘comme elle vient’. Ce qui suppose de savoir se montrer à l’écoute, dans les moments difficiles, mais aussi de répondre à des demandes aussi simples que : « Mon Père, vous n’auriez pas un peu d’huile ? ». Cela implique également, par exemple lors de la mort violente d’un jeune, d’accompagner la famille dans sa douleur, mais aussi de l’aider dans les démarches administratives et la recherche de soutien financier. De prier la neuvaine, en suivant le cortège funéraire, et de participer aux rites traditionnels. Et c’est cela qui est beau et précieux.
La présence de l’église au cœur des bidonvilles est-elle importante ?
Le pape François (qui avait énormément encouragé cette mission lorsqu’il était archevêque de Buenos Aires) présente les trois « T » (Terre-Toit-Travail) comme le chemin à suivre pour garantir une vie convenable. Nous, les prêtres des bidonvilles, nous proposons les trois « C » : Capilla (église), Colegio (école) et Club (club sportif ici). Ce sont des espaces sains et d’inclusion sociale où les enfants et les adolescents – qui représentent plus de 40% de la population locale – sont protégés des dangers de la drogue, des armes et de la violence.
Bon nombre de jeunes se retrouvent dans la rue, perdus dans le paco (drogue locale de mauvaise qualité). Au-delà du problème de consommation, ces enfants des rues souffrent de leur exclusion sociale. De ne pas être allés à l’école, de ne pas avoir de formation, de logement, de travail. Mais la douleur la plus profonde, imperceptible et incommensurable, est sans doute l’absence de lien, le manque d’amour qu’ils ressentent. Tous ces enfants désirent plus que tout avoir un foyer, une famille, une maison.
L’église tient ce rôle de grande famille, avec ses mouvements de jeunes, ses missionnaires, ses femmes et ses hommes engagés… Les enfants que nous accompagnons peuvent dire : « Ici est ma famille, ma maison, mon foyer. »