Définition du livre silencieux ou livre muet
Un livre muet ou silencieux est un livre comme les autres – il raconte une histoire – mais il le fait par le biais d’images, sans utiliser de mots. Un livre classique combine généralement trois éléments : linguistique (les mots), iconique (les images) et graphique (l’union harmonieuse de l’ensemble). Le livre silencieux, quant à lui, ne comporte que l’iconique et le graphique. Mais il transmet tout de même un message au lecteur car les images sont disposées de telle sorte qu’elles ont une logique narrative.
Le livre silencieux, outil de l’accompagnement psychosocial
Les images – à travers lesquelles nous pouvons nous reconnaître et qui inspirent en chacun de nous des pensées, des sentiments, des souvenirs… – agissent ainsi comme des médiateurs de la réalité. Un exemple. Souvent, face à un traumatisme, l’enfant ressent de la honte ou de la culpabilité. Il tente donc de fuir et a beaucoup de mal à raconter ce qu’il a vécu. Les images peuvent alors lui permettre de parler de cette douleur sans l’exposer directement, de façon détournée, et sans rouvrir la blessure.
Les enseignantes que nous avons formées en Ukraine au livre silencieux ont fait appel à notre partenaire car elles sentaient bien, lors des cours à distance, que les enfants avaient besoin de parler de ce qu’ils vivaient, mais elles ne savaient pas comment ouvrir cette discussion sans faire plus de mal. Chaque enfant avait vécu et vivait des choses très différentes dans ce contexte de guerre. Certains étaient réfugiés dans un autre pays, d’autres vivaient au rythme des alertes anti-aériennes, d’autres encore avaient perdu un proche… Le livre silencieux, support non intrusif, leur permet d’aborder cette diversité de vécus car chaque enfant y voit ce qu’il veut. Et puis, l’histoire choisie, Rose comme une souris de Dina Leone, parle de diversité, d’adaptation au changement, d’intégration… C’est ce dont ils ont besoin de parler en ce moment.
Diana Filatova, chargée des projets du BICE en Europe
Le livre silencieux, un allié de la résilience
Le livre silencieux, comme tout langage d’expression créative, est un allié de la résilience. Quatre points peuvent notamment être identifiés :
- Le livre silencieux nécessite la présence d’un « lecteur actif ». Ce dernier doit interpréter les images en suivant son instinct, contrairement aux livres traditionnels où le lecteur se contente de suivre un scénario établi. L’enfant qui lit un livre muet (même sans savoir lire) se retrouve donc dans la position du narrateur ou du protagoniste de l’histoire. Pleinement acteur de ce qui se passe au cours de l’atelier. Cela participe à lui faire comprendre qu’il peut aussi peu à peu redevenir le « protagoniste de sa vie », un processus directement lié à la résilience.
- Le livre silencieux permet également à celui qui le lit, qui interprète les images en fonction de son histoire, de son vécu, de donner du sens à ses propres souvenirs. C’est une étape essentielle vers la résilience.
- Du livre muet peuvent naître différentes histoires. Les lecteurs se rendent ainsi compte que l’on peut interpréter des situations de différentes manières et que l’on peut donc changer sa façon de regarder un événement, une histoire, un contexte… Cette approche est aussi étroitement liée à la résilience.
Au cours de la formation, toutes les enseignantes se sont retrouvées dans le livre Rose comme une souris, créé dans le but de promouvoir la résilience. Car, comme le personnage principal, elles ont dû quitter leur zone de confort. Et traversent des moments très douloureux. L’objectif était de les pousser à regarder la situation autrement, de manière la plus positive possible. Ce qu’elles ont fait. Et elles sont arrivées à l’idée que cette situation les a aussi menées à mieux se connaître et à prendre conscience de leur attachement à leur communauté d’appartenance.
Veronica Hurtubia de l’université catholique de Milan, formatrice « Livre silencieux et résilience »
- Enfin, lorsque le livre est utilisé lors d’un atelier collectif, il est nécessaire pour les participants de mettre en pratique des compétences sociales qui contribuent à la résilience telle que la confiance, le respect et l’écoute active.
Autres qualités du livre silencieux
Lors d’un atelier autour d’un livre silencieux, les enfants ne sont pas freinés par la peur de mal faire, par la crainte du jugement des autres. Ce qui peut arriver lorsqu’on demande aux enfants de raconter une histoire par le biais du dessin par exemple. Car certains ont peur de mal dessiner, de rater.
La curiosité est la première réaction des enfants. Souvent, ils créent des histoires à partir de détails que l’adulte n’avait pas vus auparavant. C’est une richesse pour la relation éducative entre le tuteur et l’enfant. Parce que devant un livre silencieux, l’éducateur et l’enfant sont (presque) sur un pied d’égalité.
Et puis, les images sont universelles. Elles franchissent les barrières de la langue et de l’âge. C’est pourquoi le même livre peut être utilisé dans différents contextes. Ce sont les façons dont il sera interprété qui changeront.
Est-il nécessaire d’être formé pour utiliser un livre silencieux ?
C’est préférable, oui. Même si les livres muets sont un média tellement flexible qu’ils peuvent être utilisés par les enfants à des fins récréatives (simple lecture avec ou sans un parent). Dans ce cas, il suffit que l’enfant se laisse transporter par les images, qu’il les « lise » en construisant librement une histoire. Ils peuvent aussi être employés à des fins éducatives par exemple, avec un enseignant. Si l’objectif est de promouvoir la résilience, une formation spécifique est nécessaire.
À titre d’exemple. En Ukraine, 61 enseignantes ont reçu, avec les exemplaires du livre silencieux Rose comme une souris – livre qu’elles ont choisi – un guide d’utilisation. Elles ont aussi participé à trois sessions de formation, menées par une pédagogue de l’université catholique de Milan, membre du réseau BICE. L’équipe de notre partenaire local WCU a elle aussi été formée à l’utilisation de cet outil ainsi qu’une dizaine de jeunes ukrainiens.
