Roberto Cervantes Rivera d’OPA Niños Libres, coordinateur du programme Enfance sans Barreaux dans la région sud du Pérou (Arequipa et Cuzco), nous disait mi-avril, inquiet : « C’est terrible, les gens doivent choisir entre le virus et la faim. Il faut savoir qu’au Pérou le travail informel représente plus de 70% des activités. S’ils ne vont pas travailler chaque jour, les gens n’ont pas de quoi vivre. »
Pérou : 2e pays d’Amérique latine le plus touché par le coronavirus
Malheureusement, ses craintes semblent s’être vérifiées. Malgré un confinement mis en place par le gouvernement péruvien dès le 15 mars (alors qu’il n’y avait que 86 cas dans le pays), les habitants ont dû sortir pour nourrir leur famille. Impossible pour les vendeurs ambulants, recycleurs, remplisseurs de trous de bitume sur les grandes avenues ou encore vendeurs d’appels téléphoniques de ne pas se rendre dans les centres-villes ou sur les marchés pour gagner un peu d’argent.
L’une des autres causes de propagation du virus est en effet que le gouvernement n’a pas immédiatement demandé la fermeture des marchés publics. Ces derniers se sont rapidement transformés en véritables foyers de contamination. Un exemple : 86% des commerçants du marché aux fruits de Lima ont été testés positifs à la Covid-19.
Ces deux facteurs expliquent en partie le développement rapide de la pandémie, faisant du Pérou le 2e pays le plus touché d’Amérique latine, après le Brésil*. Le 19 juin, plus de 240 000 cas avaient été recensés et 7 250 décès enregistrés. Aujourd’hui, la situation reste inquiétante ; même si le rythme de la contagion ralentit depuis quelques jours. Il est passé de 4 800 nouveaux cas quotidiens à un peu plus de 4 000 cas.
« Les gens souffrent de la pauvreté au Pérou »
Autre source d’inquiétudes au Pérou : la pauvreté qui s’est développée ces dernières semaines. « Plus de 21% des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté. Avec le confinement, ce chiffre a certainement augmenté. Et les situations de pauvreté sont devenues des situations d’extrême pauvreté. Certains habitants des hauts plateaux sont par exemple obligés de descendre dans les villes pour trouver de la nourriture. Les gens souffrent. Ils ont peur et sont, pour une grande partie, mécontents des choix du gouvernement. Les tensions sont vives. »
Un contexte aggravé par l’augmentation exorbitante des prix de certaines denrées alimentaires et produits de nettoyage et d’hygiène qui commencent à manquer suite à des achats compulsifs. À cela, s’ajoutent la corruption et la spéculation sur l’oxygène et les médicaments. « C’est en voyant pointé du jour ce contexte alarmant que nous avons décidé mi-avril de soutenir nos partenaires péruviens afin qu’ils distribuent des aides alimentaires d’urgence aux familles que nous accompagnons, explique Maria Camila Caicedo, chargée de programmes au sein du BICE. Nous aidons également nos partenaires du programme de lutte contre la violence à adapter leurs actions à la situation actuelle. Il est essentiel qu’ils soient présents en ce moment. L’isolement, l’anxiété entraînent un risque accru de comportements violents. Malheureusement, le nombre de cas de violences sur les enfants a fortement augmenté. »
Une ligne téléphonique de soutien psychologique
Selon le ministère de la Femme et des Populations vulnérables, les services de l’État ont reçu plus de 28 000 appels pour cas de violences familiales entre le 16 mars et le 10 mai. Sur cette même période, 12 féminicides sont à déplorer, 3 012 cas de violence ont été enregistrés et 226 cas d’abus sexuels sur des enfants et des adolescents ont été signalés. Des chiffres alarmants.
Afin d’amplifier son action, notre partenaire le CEDAPP, épaulé par le CESIP, autre partenaire du BICE, a mis en place un service de soutien psychologique gratuit par téléphone Cedapp Te Escucha*. Les motifs d’appel sont multiples : peur de la pandémie, anxiété, problèmes familiaux, violences… Outre l’espace d’écoute qu’il offre à la population, ce dispositif permet de détecter des cas à risque et de prévenir des situations de violence. Devant l’étendue de la demande, le CEDAPP a décidé de conserver ce service au-delà du confinement (prévu jusqu’au 30 juin). L’organisme anime également chaque semaine une émission de radio diffusée dans la région de Huaycán. Elle aborde des questions liées à la santé mentale, au quotidien, à la parentalité, à leurs anxiétés liées au confinement…
Parallèlement, le CESIP continue les formations virtuelles avec les adultes relais. Et ce, dans les institutions éducatives et les institutions locales de prise en charge des enfants victimes. L’ensemble de ces activités mises en place, sous cette forme, pendant le confinement perdureront jusqu’à décembre 2020.
*CEDAPP t’écoute