La petite enfance, et notamment les 1 000 premiers jours s’étendant du 4e mois de grossesse aux 2 ans de l’enfant, est une période charnière [1]. C’est à ce moment que commence le développement social, cognitif et émotionnel de l’enfant. Najat Maalla M’jid, pédiatre et représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU sur la lutte contre la violence à l’égard des enfants, explique : « Le cerveau humain se développe de manière beaucoup plus rapide pendant les huit premiers jours de la vie que par la suite. Un million de connexions neuronales sont créées toutes les secondes. […] Jusqu’à trois ans, des interactions positives et saines entre le nourrisson et les personnes qui s’en occupent sont un prérequis pour son bon développement. » À l’inverse, des carences lors de cette période peuvent avoir des conséquences majeures pour le reste de sa vie, mais également pour les générations futures.
Une réalité inquiétante : quelques chiffres
Plusieurs données sur les conditions de vie des enfants de moins de 5 ans à travers le monde sont alarmantes. En voici quelques-unes :
- 202 millions d’enfants âgés de moins de 5 ans vivent dans une situation de précarité alimentaire sévère [2].
- 300 millions d’enfants âgés de 2 à 4 ans sont régulièrement victimes d’une discipline violente de la part des personnes qui s’occupent d’eux [3].
- Au moins 175 millions d’enfants ne sont pas inscrits dans l’enseignement pré-primaire [4].
- Plus de 110 millions d’enfants âgés de moins de 5 ans vivent dans des zones affectées par des conflits [5].
- 1 enfant sur 3 âgé de 3 à 4 ans ne suit pas un développement optimal [6].
Que dit la Convention relative aux droits de l’enfant ?
La Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) reconnaît les droits fondamentaux de l’enfant, et notamment par son article 6, le droit à la survie et au développement [7]. Toutefois, la petite enfance n’y est pas mentionnée de manière distincte. C’est pourquoi, le Comité des droits de l’enfant a publié en 2005 l’observation générale n°7 sur « la mise en œuvre des droits de l’enfant dans la petite enfance » [8]. Bien qu’elle n’ait pas la même valeur juridique que la convention, ce document sert de guide aux États pour respecter leurs engagements envers les jeunes enfants.
Des propositions d’actions formulées par des experts
Plusieurs experts ont pris la parole lors de la journée de débat sur les droits de l’enfant organisée par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies le 13 mars 2025 et dédiée à la petite enfance. Parmi eux, Najat Maalla M’jid, Philippe Jaffé, psychothérapeute et membre du Comité des droits de l’enfant des Nations unies, ou encore Regina De Dominicis, directrice régionale de l’Europe et de l’Asie centrale de l’Unicef, ont formulé plusieurs recommandations.
Ils ont notamment préconisé des politiques plurisectorielles afin que tous les besoins et droits des enfants soient pris en compte (éducation préscolaire, santé, nutrition, sécurité, etc.). « Il faut accorder une attention particulière aux communautés marginalisées et aux enfants en situation de handicap », a également souligné Philippe Jaffé. Par ailleurs, les experts ont plaidé pour la participation active des enfants et pour le fait qu’ils soient entendus (art.12 de la CDE).
La mise en place de ces recommandations nécessite des investissements, mais comme l’ont rappelé les experts, le développement intégral de l’enfant n’est pas uniquement une question de respect des droits, il est aussi bénéfique pour la société. En effet, il est estimé qu’un mauvais départ dans la vie engendre une perte d’environ 25 % du revenu moyen à l’âge adulte par an [9]. Cela entraîne non seulement une diminution de la richesse nationale (soit un manque à gagner), mais aussi une augmentation des dépenses publiques, en matière de santé et de protection sociale par exemple. Le coût de l’inaction est donc considérable. Retenons les mots de conclusion de Najat Maalla M’jid : « Les enfants ont des rêves et des droits. Il faut arrêter de faire des promesses et agir. »
Le BICE, mobilisé pour la petite enfance
Nos actions de terrain
Une période aussi cruciale nécessite donc une attention particulière et des réponses appropriées aux besoins spécifiques des tout-petits. Le BICE, aux côtés de ses partenaires locaux, agit pour les plus vulnérables. Nous adoptons une approche holistique qui vise à offrir à l’enfant un lieu sûr, un appui nutritionnel ainsi que des activités d’éveil adaptées.
Au Cambodge, le BICE et Opérations Enfants du Cambodge (OEC), ont créé trois espaces dédiés dans des villages ruraux et reculés. Encadrés par des éducateurs formés, ces dispositifs accueillent 95 enfants en bas âge.*
En Côte d’Ivoire, à Abidjan, le Centre d’éveil et de stimulation des enfants handicapés (CESEH) reçoit une centaine d’enfants en situation de handicap. Parmi eux, des petits de moins de 5 ans. Le BICE et DDE-CI leur proposent notamment des activités d’éveil conformes à leur état. Les parents bénéficient en parallèle d’un appui psychosocial.
En Inde, de nombreuses mères sont contraintes d’emmener leurs enfants sur leur lieu de travail ou restent chez elles, faute de possibilités de garde. Pour y remédier, le BICE et Aina Trust ont mis en place des crèches communautaires. Grâce aux assistantes maternelles formées, les tout-petits bénéficient d’un accompagnement bienveillant au quotidien et d’un appui nutritionnel et médical.
Au Kirghizstan, l’accès à l’éducation reste un défi majeur. Notamment pour les enfants des quartiers défavorisés à la périphérie de la capitale, Bichkek. Dans ce contexte, le BICE et Bir Duino ont appuyé en 2023, avec la mairie, 14 femmes dans le processus de formation, puis d’ouverture et d’équipement de lieux d’accueil pour les petits. D’avril 2025 à mars 2027, le projet Livres en mouvement permettra, via une bibliothèque mobile, d’amener les livres et la lecture auprès des enfants accueillis dans ces crèches.
Au Paraguay, le BICE et Callescuella ont mis en place un modèle de Centre d’éducation pour la petite enfance (CEPI) qui prendra en charge d’ici 2027 160 enfants dès l’âge de 2 ans. Ces endroits offrent aux tout-petits un environnement sûr et des activités récréatives dans une ludothèque et un appui nutritionnel pour lutter contre la malnutrition.*
En République démocratique du Congo, au Nord et au Sud-Kivu, où la population est éprouvée par les conflits armés, le BICE, Ghovodi et Peder, viennent d’ouvrir des ludothèques pour les jeunes enfants déplacés ou vulnérables. Au regard de la détérioration des conditions de vie, une boisson et un goûter nutritif sont également fournis.*
Nos actions de plaidoyer
Le BICE mène en parallèle des actions de plaidoyer à l’échelle locale, nationale et internationale. En partenariat avec les membres de son réseau. Lors de la 58e session du Conseil des droits de l’homme, à l’occasion de la journée de débat consacrée en 2025 à la petite enfance, le BICE a soumis un exposé écrit sur l’enseignement pré-primaire. S’appuyant sur des observations de terrain au Cambodge, au Paraguay et au Guatemala, le BICE a alerté sur le manque de programmes adaptés pour les jeunes enfants et formulé plusieurs recommandations concrètes pour renforcer leurs droits.
En savoir plus : https://bice.org/fr/le-bice-plaide-pour-le-developpement-de-la-petite-enfance-a-lonu/
*Actions menées dans le cadre du projet Écoles sans Murs 2 (EsM), soutenu par l’Agence française de développement (AFD) et déployé au Guatemala, au Paraguay, en RDC et au Cambodge.
[1] Ministère des Solidarités et de la Santé (2020). Les 1 000 premiers jours.
[2] UNICEF (n.d) L’avenir commence aujourd’hui. Le développement de la petite enfance pour tous les enfants partout.
[3] Ibid.
[4] Ibid.
[5] Ibid.
[6] Ibid.
[7] Nations unies (1989). Convention relative aux droits de l’enfant.
[8] Nations unies (2005). Observation générale No 7. Mise en œuvre des droits de l’enfant dans la petite enfance.
[9] OMS (2017). Séance d’information technique sur l’investissement dans le développement dans la petite enfance.