Face aux traumatismes engendrés par la guerre, la pauvreté, la violence ou l’exclusion, il peut être difficile pour un enfant d’exprimer ses émotions. Une étape pourtant nécessaire puisqu’elle l’aide à les identifier, à les comprendre et à les accepter. Pour le guider dans ce processus, le Bureau international catholique de l’enfance (BICE) a développé depuis deux ans un outil de résilience innovant : le silent book ou livre silencieux. Grâce à sa narration visuelle sans mots, il permet à chacun d’interpréter librement l’histoire, de s’y reconnaître sur le plan émotionnel et de partager ses propres ressentis. Et ce, quel que soit son âge, son niveau de scolarité ou sa langue.
Un outil développé par le réseau du BICE en Amérique latine, Europe et Afrique
Expérimenté pour la première fois par le BICE auprès d’enfants en Ukraine, ce type d’ouvrage sans texte est aujourd’hui au cœur de plusieurs de nos projets en Amérique latine et en Afrique. « Chaque partenaire impliqué dans cette initiative conçoit sa propre histoire afin qu’elle réponde aux problématiques spécifiques vécues par les enfants qu’il accompagne, tout en étant en cohérence avec la culture du pays pour être comprise de tous », souligne Alessandra Aula, secrétaire générale du BICE.
Sur le continent africain, à la suite d’une formation au printemps 2025, les projets de livres silencieux élaborés par quatre membres de notre réseau ont été retenus : les associations Franciscains-Bénin, Calbril au Cameroun et Dignité et droits pour les enfant-Côte d’Ivoire (DDE-CI), ainsi que la fraternité Cœur sans frontières en République démocratique du Congo (RDC).
Quatre pays, quatre histoires, un même souhait : favoriser la résilience des enfants
Bénin – éducation, participation des enfants, solidarité (septembre-novembre)
À Parakou, notre partenaire a imaginé l’histoire de Louis, un élève dont la scolarité est brutalement interrompue par l’effondrement du pont reliant son village à son école. Les illustrations racontent comment, grâce à sa détermination, à l’écoute de sa parole par la communauté et à la solidarité collective, une solution finit par émerger.
Ce livre silencieux, illustré par un professionnel, sera prochainement au cœur d’ateliers interactifs (lectures collectives, jeux de rôle, dessins…) à destination de 22 enfants, âgés de 8 à 13 ans, de laMaison de la Paix Saint François d’Assise de Tourou. 150 autres enfants de l’école publique voisine participeront également à des séances de lecture guidée et des ateliers créatifs.
Cameroun – Grandir avec Petit Élan (juillet-septembre)
À Yaoundé, l’association Calbril propose une histoire sensible et inspirante : celle de Petit Élan, un jeune éléphant jugé trop petit pour agir, mais qui se révèle capable de sauver un bébé singe et de devenir un leader respecté. L’histoire aborde les thèmes de la résilience, du courage et de l’entraide.
Dix élèves (7-13 ans) d’une école communautaire ont participé en juillet et en août à l’illustration du livre, une expérience riche qui a renforcé leur confiance en eux. L’ouvrage est imprimé à 100 exemplaires et diffusé en format numérique pour toucher un public plus large.
En Côte d’Ivoire, reconstruire son identité après la rupture (octobre-décembre)
Dans son projet, DDE-CI met en lumière le parcours d’un adolescent, Moussa, en rupture sociale, confronté à la drogue, qui reprend pied grâce à un atelier artistique. Le récit illustre la possibilité d’une seconde chance et l’importance de la non-stigmatisation.
Dix enfants âgés de 12 à 17 ans, anciens usagers de drogues ou à risque de consommation, participeront d’ici la fin de l’année à la création du livre accompagnés d’animateurs. Ce travail les aidera à revisiter leur propre parcours, à s’en distancer et à imaginer d’autres possibles. La version finale du silent book sera ensuite diffusée dans plusieurs structures d’accueil et utilisée comme support dans des animations dont l’objectif est de favoriser la réinsertion psychosociale des enfants et de contribuer à casser le cycle de la récidive.
RD Congo – Rêver à nouveau après la guerre (octobre-décembre)
À Goma, dans l’est de la RDC, Cœur sans frontières a choisi de raconter l’histoire de Kratos, un jeune gorille contraint à l’exil à cause de la guerre. L’histoire, inspirée du vécu des enfants déplacés, montre comment, malgré la souffrance, il est possible de retrouver la joie, le lien à l’autre et une forme de stabilité. Elle sera illustrée par des artistes locaux.
Des ateliers de lecture guidée, de dessin libre, d’expression corporelle et de discussion en petits groupes, encadrés par des éducateurs et des agents psychosociaux avec le soutien d’une psychologue, seront organisés auprès de 100 enfants déplacés âgés de 6 à 14 ans, vivant dans des conditions précaires dans les quartiers de Mugunga et Lac-Vert en périphérie de Goma. L’objectif est d’aider ces enfants à renouer avec leurs émotions, à recréer des repères symboliques et à envisager l’avenir avec espoir. Une version numérique sera également diffusée.
Une ressource accessible et inclusive
Ces initiatives s’inscrivent dans une approche innovante et inclusive de la protection de l’enfance, où les enfants sont pleinement acteurs. Pour les professionnels de l’éducation et du travail social, les livres silencieux sont une ressource simple, accessible et profondément humaine. Ils permettent de sensibiliser les enfants et les adolescents aux mécanismes de la résilience et, dans le cadre d’un soutien psychosocial, d’appuyer leur parcours de reconstruction.