Deux ans après la révolution de velours en Arménie, les tensions ont repris en septembre 2020 dans le Haut-Karabakh* entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Selon International Crisis Group, en six semaines de conflit (27 septembre – 10 novembre 2020), 5 758 personnes ont perdu la vie. 2 703 combattants arméniens, 2 881 combattants azéris et au moins 174 civils. Les deux parties ont accepté un cessez-le-feu négocié par la Russie en novembre. Toutefois, les violences subies par les civils dans la région n’ont pas cessé.
90 000 habitants du Haut-Karabakh réfugiés en Arménie
Ainsi, selon le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés, jusqu’à 90 000 habitants du Haut-Karabakh auraient fui vers l’Arménie au début de l’hiver 2021 ; contraints de vivre dans des conditions extrêmement difficiles. Bien qu’ils jouissent des mêmes droits que les citoyens arméniens, ils ont été plus sévèrement touchés par les difficultés sociales et économiques persistantes en Arménie en raison de la précarité de leur situation.
« La plupart des enfants ont trouvé un abri, de la nourriture et de l’eau grâce aux autorités locales et aux proches qui habitent en Arménie. Cependant, beaucoup d’entre eux continuent à montrer des signes importants de détresse, tels que l’anxiété, la dépression et l’insomnie. Et la covid-19 a souvent aggravé la situation, précise Diana Filatova, chargée des programmes pour l’Europe de l’Est. Ces enfants ont donc un besoin urgent de soutien psycho-social pour faire face à leur traumatisme. Il est en effet essentiel de les accompagner afin que ces événements traumatiques ne menacent pas, sur le long terme, leur croissance intégrale. »
20 professionnels locaux formés pour devenir tuteurs de résilience
Pour ce faire, le BICE et son partenaire local Arevamanuk ont mis en place en janvier 2022 le projet « Arménie : Renforcer la résilience des enfants et des familles affectés par le conflit armé ». Un projet de deux ans développé à Gyumri, deuxième ville d’Arménie. 20 professionnels (psychologues et travailleurs sociaux) volontaires et issus de différentes régions y participent. Ils bénéficient d’une formation initiale de quatre jours sur la méthodologie de résilience assistée ; suivie de l’élaboration collective (deux jours) du plan d’action qui détaillera le soutien psycho-social à apporter aux enfants identifiés. Les tuteurs bénéficieront ensuite de deux sessions de supervision de deux jours. L’un après quatre mois d’action, l’autre au bout de huit mois.
Cette formation, animée par l’université catholique de Milan, apprend aux tuteurs à guider les enfants vers leurs propres ressources. Grâce à cette méthode, les enfants ne sont plus réduits à leur état de victime. Ils prennent conscience de leurs forces et de leurs faiblesses ; et deviennent les principaux acteurs de leur reconstruction personnelle.
Un ouvrage en arménien sur la méthodologie des tuteurs de résilience, son adaptation et son impact sur le bien-être psycho-social des enfants soutenus sera également publié. Puis diffusé auprès des professionnels et des étudiants.
300 enfants accompagnés sur le plan psycho-social
300 enfants âgés entre 8 et 15 ans bénéficieront chaque semaine pendant huit mois d’un soutien psycho-social. Cet accompagnement par petits groupes de 15 sera donné par deux tuteurs de résilience formés. Tout au long de ce parcours, les tuteurs évalueront l’état psycho-social des enfants pour adapter leurs outils d’accompagnement et valider la méthode pour le contexte arménien. Le soutien psycho-social sera poursuivi au-delà de 8 mois pour les enfants qui se trouvent en grande difficulté.
Trois résultats sont attendus à la fin de l’intervention des tuteurs :
- le rétablissement du bien-être psychologique des enfants,
- le renforcement de leur identité et de leurs autres ressources internes,
- la consolidation de leurs ressources externes (groupes, pairs et familles).
Soutien à 30 familles en situation de grande vulnérabilité
Parallèlement au soutien psycho-social des enfants, le projet prend en compte le fait que le conflit a affecté la stabilité économique de nombreuses familles. « La plupart ont perdu leur emploi en fuyant. Et, dans la pire des configurations, le père, principal soutien financier, est mort au combat, précise Diana Filatova. Il nous semblait donc important d’aider ces familles à s’en sortir sur le plan économique, à se réintégrer d’un point de vue professionnel. Car dans ces conditions, la question de l’emploi est tout aussi un facteur essentiel pour le rétablissement psycho-social de l’ensemble de la famille. »
Quelque 30 familles bénéficieront ainsi de 15 jours d’ateliers « Recherche d’emploi » : rédaction de CV ; entretiens d’embauche ; gestion de carrière ; compétences informatiques… Les familles intéressées par le développement de leur propre entreprise (une dizaine) suivront 15 jours d’ateliers complémentaires. Tous ces parents seront ensuite accompagnés dans leur retour dans le monde du travail. Ceux ayant des difficultés psychologiques suite au conflit seront suivis par un psychologue. Cela les aidera à retrouver la stabilité émotionnelle nécessaire à la reprise d’une activité.
*la région du Haut-Karabakh se situe à l’intérieur des frontières internationalement reconnues de l’Azerbaïdjan. Y vivent une grande majorité d’Arméniens, cherchant à faire sécession de l’Azerbaïdjan depuis le début des années 1990.
Avec le soutien de
Calouste Gulbenkian Foundation
Fondation Madeleine