En décembre 2013, l’Assemblée générale des Nations unies a proclamé le 30 juillet comme étant la Journée mondiale de la lutte contre la traite des êtres humains. L’occasion pour les organisations impliquées dans la lutte contre ce fléau de bénéficier de plus de visibilité pour faire connaître la situation des victimes de la traite, et rappeler l’importance de promouvoir et protéger leurs droits. Sachant que les populations vulnérables, et notamment les enfants, sont les plus affectées par cette violation odieuse des droits humains et des libertés fondamentales.
Selon un article publié en 2022 sur le site du ministère français chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, il est estimé à 25 millions le nombre de personnes exploitées dans le monde. Problématique internationale, la traite d’êtres humains concerne en effet tous les États soit en tant que pays d’origine, soit en tant que pays de transit ou de destination des victimes.
Thème 2024 : Ne laissons aucun enfant de côté
Un tiers des victimes de la traite sont des enfants
Cette année, la campagne organisée à l’occasion de cette Journée mondiale appelle à agir vite pour mettre un terme à la traite des enfants. Les enfants représentent en effet une part importante des victimes ; les filles sont particulièrement vulnérables. Selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), ils sont deux fois plus susceptibles que les adultes de subir des violences. Il est actuellement estimé qu’un tiers des victimes de la traite sont des enfants. Exploités de différentes manières : travail forcé, mendicité, enrôlement comme soldats ou contraints de prendre part à des activités criminelles, adoption illégale, violences en ligne, exploitation sexuelle…
Le manque de signalements et de ressources rend difficile leur protection. Sans oublier que les trafiquants utilisent la coercition et les menaces pour les contrôler, rendant l’intervention des autorités compliquée. Les inégalités croissantes et la mondialisation favorisent de surcroît la formation de réseaux complexes qui remettent en question les cadres juridiques traditionnels et engendrent de nouvelles formes d’esclavage. Les plateformes en ligne exposent davantage les enfants à l’exploitation sexuelle et à la violence basée sur le genre, permettant aux trafiquants de cibler des victimes au-delà des frontières.
Des efforts concertés sont nécessaires aux niveaux national et international
En 2000, les Nations unies ont adopté le protocole de Palerme. Il vise à prévenir, réprimer et punir la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants. C’est aussi le premier acte juridique mondial, s’accordant sur la définition* de la traite des personnes.
Aujourd’hui, comme le souligne les Nations unies, il est essentiel de renforcer les mesures de protection, notamment en instaurant des mécanismes de justice adaptés aux enfants, en sensibilisant la population, en apportant une aide aux enfants non accompagnés en déplacement, en prenant en charge les enfants rescapés, et en luttant contre les causes profondes de l’exploitation en soutenant les familles vulnérables. Des efforts concertés sont ainsi nécessaires aux niveaux national et international.
Rappelons-le : les séquelles physiques et psychologiques de ces crimes persistent jusqu’à l’âge adulte, privant les victimes de leur innocence, de leur avenir et de leurs droits fondamentaux. « En ce jour, renouvelons notre engagement en faveur d’un avenir où chaque enfant sera libre et en sécurité », insiste Antonio Guterres, secrétaire générale des Nations unies.
L’exemple alarmant de la République démocratique du Congo
Début juillet, cinq rapporteurs spéciaux de l’ONU dont Siobhan Mullally, Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains en particulier des femmes et des enfants, et les membres du Groupe de travail de l’ONU sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles se sont déclarés alarmés par l’essor de la traite des êtres humains, en particulier l’esclavage et l’exploitation sexuels, ainsi que par l’augmentation des mariages précoces et forcés dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC)**. Ils rapportent qu’au moins 531 victimes de violences sexuelles ont été recensées entre août 2023 et juin 2024 dans plusieurs provinces. Un chiffre qu’ils savent largement sous-estimé. Les victimes, principalement des femmes et des filles déplacées en raison des conflits armés, sont enlevées pour être exploitées sexuellement alors qu’elles cherchent de la nourriture ou participent à des activités agricoles.
Les experts ont également exprimé leur préoccupation concernant l’implication des forces de sécurité dans ces crimes et le manque de protection et d’identification des victimes. Ils soulignent les difficultés d’accès pour les organisations humanitaires dans les zones de conflit, ce qui aggrave la situation. Avec la fermeture de la mission de l’ONU en RDC, les systèmes de surveillance des violations des droits de l’homme risquent de ne plus être opérationnels. Les experts appellent à une action urgente pour garantir l’accès à la justice et lutter contre l’impunité.
*La définition de la traite prend en compte trois éléments essentiels : l’action de la traite qui touche le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil des personnes ; les moyens de la traite qui comprennent la menace ou l’utilisation de la force, la tromperie, la contrainte, l’abus de pouvoir en profitant de la vulnérabilité ; l’objectif de la traite qui est toujours l’exploitation. L’article 3 du protocole de la traite énonce : « l’exploitation inclut pour le moins, la prostitution ou autres formes d’exploitation sexuelle, le travail forcé, l’esclavage ou les pratiques analogues, l’esclavage domestique, le prélèvement d’organes. »
**Le Protocole de Palerme est ratifié par la RDC via la Loi n° 06/013 du 12 juin 2006.