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Cambodge fondatrice de OEC
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Cambodge. « Quand je demandais aux enfants ce qu’ils voulaient faire plus tard, ils me répondaient : mendier »

L’association Opérations Enfants du Cambodge est un partenaire de longue date du BICE. Celle-ci est née de la promesse que s’était faite Davy Tith, sa fondatrice, si elle survivait à l’effroyable régime des Khmers rouges. Portrait.

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Quel genre d’enfant étiez-vous ?

D.T. : J’étais une enfant très turbulente, un vrai garçon manqué disait mon père. Contrairement à mes cinq sœurs, beaucoup plus réservées, je parlais à cœur ouvert : je disais tout ce que je pensais et comme je le pensais. Mon père était instituteur, nous vivions à Battambang dans le nord-est du Cambodge, ville où je suis retournée après en avoir été chassée par les Khmers rouges.

D’où vient votre engagement pour les enfants ?

D.T. : Il vient d’un serment que je me suis fait pendant les huit terribles années qu’a duré le régime de Pol Pot. Les intellectuels étaient considérés comme les ennemis du peuple et pourchassés. J’ai dû quitter mon métier d’institutrice pour travailler dans les rizières et aux champs, un travail harassant. La nuit, des intellectuels supposés étaient tirés de leurs lits, enlevés et tués. Certains étaient arrêtés pendant qu’ils travaillaient aux champs et ligotés. Je me souviens des cadavres qui flottaient dans les rivières. J’ai moi-même perdu ma sœur et mon frère aînés pendant cette période. Chaque matin, je n’en revenais pas d’être en vie et je me suis fait ce serment : si je survis, je m’engage dans le travail humanitaire.

Pourquoi avoir choisi de vous engager dans l’éducation informelle ?

D.T. : La plupart des intellectuels avaient été tués. Les enfants n’avaient personne pour leur apprendre à lire et écrire. Quel pouvait être l’avenir du Cambodge dans ces conditions ? J’ai décidé de m’engager pour l’éducation. J’avais cinq enfants et j’élevais les trois de ma sœur décédée. J’étais obligée de travailler, mais pendant mon temps libre, j’intervenais comme interprète auprès de journalistes et de responsables d’ONG françaises. C’est ainsi que j’ai entendu parler des enfants mutilés par les mines restées enfouies dans le sol depuis la guerre. Il y en avait une vingtaine à l’hôpital de Battambang. On les entendait hurler de douleur. Quand je leur demandais ce qu’ils voulaient faire plus tard, ils me répondaient : mendier.

C’est comme ça qu’est née l’association Opérations Enfants de Battambang, rebaptisée depuis Opérations Enfants du Cambodge. J’ai reçu beaucoup de soutiens pour démarrer ce projet, notamment de mon père et de mon ancien professeur de français. Au départ, nous avons créé des écoles informelles dans les villages les plus reculés, dans la forêt où les populations étaient allées se cacher pour fuir les Khmers rouges. Nous en avons créé depuis dans différentes régions du pays.

Quels sont vos espoirs et vos craintes pour les enfants d’aujourd’hui ?

D.T. : Les enfants des villages où nous intervenons ont énormément souffert de la pandémie et du confinement. Ils n’avaient aucun moyen d’étudier à distance et leurs parents ne pouvaient les aider. Notre personnel s’est beaucoup investi pour continuer à leur apporter son soutien. Nous avons également profité des distributions alimentaires pour insister à nouveau sur la nécessité de l’éducation des enfants. Je dis aux parents que leurs enfants auront une vie bien moins difficile s’ils sont éduqués. Quand les parents l’entendent, les enfants sont sauvés.

Nous progressons également dans la lutte contre l’abus sexuel qui reste un tabou, notamment au sein des familles. Il y a un proverbe bouddhiste qui dit ceci : « si ton vêtement est déchiré, répare-le, ne le déchire pas davantage ». Mais nous ne pouvons pas continuer à cacher les choses pour éviter le scandale. C’est mon espoir pour les enfants : les familles commencent à comprendre qu’il est primordial de les protéger.

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