Le BICE a été honoré et heureux de sa participation à la réunion de lancement de la phase II du Programme Enfance sans Barreaux (ESBII) à Paris.
A cette occasion, Jean Zermatten est revenu sur les règles internationales qui régissent la justice juvénile (principes de Riyad, règles de Beijing, règles de La Havane…) et a partagé son expérience et sa réflexion avec les participants. Il a bien voulu répondre à nos questions.
Quelles sont vos recommandations pour le programme Enfance Sans Barreaux ?
Jean Zermatten : La première recommandation, et peut-être la plus difficile à mettre en place, est de considérer que l’enfant, même s’il est en conflit avec la loi, même s’il a commis des infractions, même si ces infractions sont graves, doit toujours être considéré comme un enfant. C’est une personne vulnérable qui ne peut se défendre comme le ferait un adulte dans la même situation. Toutefois, comme être humain à part entière, l’enfant a des droits inaliénables que les Etats ont reconnu en adoptant la Convention relative aux droits de l’enfant en 1989. Mais les Etats eux-mêmes ont tendance, quand on parle de délit ou d’infraction, à oublier ces droits et à traiter l’enfant plus mal qu’ils ne traiteraient un adulte.
Pour la deuxième recommandation, [je noterais] que les Etats ont souvent des législations qui sont relativement bonnes et compatibles avec les normes internationales. Mais, dans la pratique, ces Etats ont un grand déficit de respect de ces normes pour deux raisons.
Un : ils consacrent peu de moyens à la justice juvénile car les enfants ne sont pas une population très intéressante pour eux. Deux, et ce point est particulièrement important, notamment pour une institution comme le BICE, les professionnels ne sont pas assez formés : juges, policiers, avocats, personnes de bonne volonté qui entrent dans le système pour aider… Il y a donc un réel effort nécessaire de la part des Etats pour mettre en place non seulement des lois mais surtout pour assurer leur application.
Quels sont les principaux points de vigilance par région ?
L’application de la Justice Juvénile est relativement peu liée aux zones géographiques.
Par contre, dans certaines zones géographiques, on a parfois des problèmes spécifiques. […]
En Europe, on est maintenant plutôt face à un problème justice juvénile et migration. C’est-à-dire que l’on considère les migrants comme dangereux et que, souvent, on utilise à leur égard des centres de rétention. Vous êtes associé, si vous êtes un enfant migrant, à quelqu’un de dangereux. Et si, de plus, vous êtes non accompagné, vous êtes un triple problème : vous êtes enfant, migrant, et tout seul… […]
J’aimerais enfin noter que ce que ce que l’on croyait acquis ne l’est pas. On est, dans un certain nombre de domaines, comme la question des âges, face à une régression. Par exemple, le fait de considérer des enfants de 16 ans comme des adultes alors qu’ils ont droit encore à la protection jusqu’à 20 ans. Ou, sous le prétexte de la menace terroriste, d’utiliser des moyens démesurés pour des enfants qui ne sont que des enfants, qui sont peut-être radicalisés, mais qu’il vaudrait mieux dé-radicaliser plutôt qu’emprisonner.
Quel est votre lien avec le BICE ?
C’est un lien relativement ancien. J’ai connu le BICE il y a une vingtaine d’années par son Secrétaire Général de l’époque, Monsieur François Rüegg qui était l’un de mes amis. Par la suite, j’ai côtoyé souvent des représentants du BICE dans mes activités auprès des Nations Unis puisque le BICE était presque toujours présent dans le Conseil. Je suis un proche du BICE.