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Vue aérienne de Beyrouth, la capitale du Liban
Vue aérienne de Beyrouth, la capitale du Liban © AdobeStock
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Interview 1/2. « Un fort besoin de cohésion pour faire face à la crise au Liban »

Investi de longue date au Liban auprès de ses partenaires, le BICE a renforcé son soutien ses quatre dernières années pour aider les familles vulnérables à faire face à la grave crise que le pays traverse. Parmi les structures que nous soutenons, l’association Fratelli. Rencontre avec le responsable du projet, Juan Carlos Fuertes, qui nous parle, dans ce premier volet, du Liban, des conditions de vie actuelles et des défis à relever.

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Pourriez-vous décrire la situation économique et sociale du Liban à l’heure actuelle ?

Depuis 2019, le pays traverse une crise économique et financière complexe, exacerbée par la stagnation politique, la détérioration continue du système social, et d’autres chocs internes au Liban ou externes. Citons parmi eux, les explosions dans le port de Beyrouth en août 2020, la crise du carburant l’été 2021, l’épidémie de choléra qui a ravagé le pays en 2022. Et sur le plan mondial, la covid-19, la guerre en Ukraine et le ralentissement économique. Le Liban continue également à gérer les retombées de la crise syrienne. Il accueille le plus grand nombre de réfugiés par habitant dans le monde.

Frère Juan Carlos Fuentes responsable du projet Fratelli au Liban

Comment cette crise se traduit-elle ?

Par une forte dépréciation de la livre libanaise et une inflation galopante y compris pour les produits de base. Ce qui a affecté les revenus et le pouvoir d’achat des Libanais. L’inflation annuelle s’élevait à 190 % en février 2023. Sur la même période, l’augmentation des prix des denrées alimentaires a été de 261 %. D’autre part, avec le quasi-effondrement du système bancaire, de nombreux Libanais ont perdu leurs économies. Beaucoup dépendent désormais des transferts de fonds envoyés par la diaspora pour couvrir leurs besoins de base. Le taux de chômage national est de 29,6 %* (28,4 % pour les hommes et 32,7 % pour les femmes). Le système de santé est en souffrance, conséquence de l’augmentation des coûts d’importation des médicaments et fournitures médicales, de l’indisponibilité de médicaments essentiels, du manque d’entretien des structures de santé, du départ du personnel médical vers de meilleures opportunités d’emploi à l’étranger (comme d’ailleurs de nombreux travailleurs qualifiés). Le tissu social est abîmé, les relations intercommunautaires fragiles. La crise engendre en effet des conflits entre la population locale et les réfugiés, qui luttent tous deux pour obtenir un emploi et un revenu décent. On estime que 3,9 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire au Liban. Ce chiffre comprend notamment 2,1 millions de Libanais, 1,5 million de réfugiés syriens et des réfugiés palestiniens.

Vous évoquiez tout à l’heure la stagnation politique, pourriez-vous préciser ?

Le système politique est bloqué car il est sans président depuis un an. En 2022, des élections législatives ont eu lieu. Depuis, le parlement doit se mettre d’accord pour présenter un candidat de consensus à ce poste. Mais jusqu’à présent, cela n’a pas été possible. Sans président, il n’y a pas de gouvernement pour diriger le pays. Celui en place actuellement est l’ancien gouvernement. Il n’a autorité que pour gérer les affaires courantes. Non pour mettre en œuvre de nouveaux plans ou réformes. Tout cela constitue un obstacle de plus à la gestion d’un pays en crise. Et cela s’aggrave si l’on prend en compte le conflit entre le Hezbollah et l’armée israélienne dans le sud du pays. Le Hezbollah n’est pas seulement un groupe armé, c’est un parti politique chiite, membre du gouvernement. L’équilibre n’est donc pas facile à trouver pour maintenir la paix et la stabilité sur le territoire.

Comment la crise affecte-t-elle les conditions de vie des enfants ?

La détérioration des conditions économiques, le chômage et la pauvreté accroissent les besoins en matière de protection de l’enfance dans les zones les plus touchées. Avec la crise, se sont développés des mécanismes d’adaptation négatifs tels que le travail des enfants, le mariage précoce et différentes formes de violence et d’abus. Le nombre d’enfants non scolarisés a également augmenté. Plus de 700 000 ne vont pas ou plus à l’école. Parmi eux, 440 000 migrants. Certains doivent travailler pour ramener de l’argent à la maison, d’autres n’ont pas les moyens de payer les transports scolaires. Enfin, les difficultés financières des écoles publiques entraînant des grèves fréquentes du personnel trop souvent non payé, des reports de cours, des conditions d’études difficiles sont aussi en cause.

Plus d’un million d’enfants, d’adolescents et de femmes – en particulier les femmes enceintes et qui allaitent – souffrent de malnutrition. L’accès à l’eau est également un problème. Les familles réfugiées de Syrie ont de surcroît énormément de difficultés pour obtenir la résidence légale***. Ce qui les empêche d’accéder aux services de base, à leurs droits et de vivre en toute sécurité au Liban. Cela les expose encore davantage à toutes les formes d’exploitation.

Selon vous, quels sont les défis auxquels le Liban doit faire face pour sortir de la crise ?

Je pense déjà qu’il faudra beaucoup de temps pour sortir de cette situation parce que chaque jour qui passe les conséquences de la crise s’enracinent un peu plus dans les foyers et les institutions. Ensuite, outre le fort besoin de cohésion entre les différents groupes sociaux et religieux du pays, le Liban a plusieurs défis à relever dont la lutte contre la corruption et l’établissement d’une paix durable avec les pays voisins. Il est également nécessaire qu’il résout la question des réfugiés syriens. Actuellement, ni le Liban ni la Syrie ne veut d’eux. D’autre part, la plupart des réfugiés ne souhaite pas ou ne peut pas rentrer pour diverses raisons. Mais ce qui est sûr, c’est qu’ils ne peuvent continuer à vivre sans statut.

Pour en savoir plus sur le projet Fratelli et ses bénéficiaires, découvrez le volet 2 de l’interview.

*Derniers chiffres de la Banque mondiale.
** Donnée de 2022 de l’Administration centrale de statistiques du Liban. Le taux de chômage était de 11,4% en 2019.
***Le Liban n’est pas signataire de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés. Ni du protocole additionnel de 1967. Les Syriens ne peuvent donc bénéficier du statut de réfugié au Liban même s’ils remplissent toutes les conditions au regard du droit international. Ils sont perçus comme « temporairement déplacées ».

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