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Mary Inde
© Aina Trust
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Interview. « Avoir rendu tant d’enfants heureux me rend heureuse »

Mary Chelladurai est la fondatrice de l’association Aina Trust au sud de l’Inde, avec laquelle le BICE travaille depuis de nombreuses années. Elle nous raconte son histoire et son engagement sans faille pour les femmes et les enfants.

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Quel genre d’enfant étiez-vous ?

J’ai été élevée dans une famille de dix enfants. Ma mère considérait que les filles ne devaient pas recevoir la même éducation que les garçons, ce contre quoi je m’insurgeais, j’étais assez rebelle. Mon père était plus libéral. Il attendait de nous que nous travaillions bien à l’école. C’était mon cas, j’étais bonne élève, j’ai choisi de faire des études ; mes sœurs, elles, ont préféré se marier jeunes. J’ai obtenu un master en Travail social et en philosophy in counselling (ndlr, philosophie clinique).

Comment est né votre engagement pour l’enfance ?

Adolescente, j’ai eu l’occasion de me rendre dans des orphelinats et des foyers pour enfants, ça a été le point de départ de mon engagement. Pour être honnête, je m’intéressais surtout à la situation des petites filles. Dans certaines communautés, elles étaient, et sont encore, négligées, en charge de tout le travail, alors que les garçons sont « rois ».

J’ai d’abord travaillé comme assistante à l’Univer­sité, puis formatrice dans une école publique de formation des enseignants. J’ai fondé Aina Trust en 1998, mais l’association n’a débuté réellement son activité qu’en 2003, auprès des enfants des bidon­villes. Mon mari a été d’un grand soutien pendant toute cette phase. En 2004, avec l’appui d’une orga­nisation humanitaire hollandaise, nous avons lancé de nouveaux projets dans les villages reculés de la région de Sidlaghatta. À l’époque, les enfants tra­vaillaient dans les usines de la soie. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Mais il fallait alors réhabiliter ces enfants. Aina Trust a relevé le défi.

Comment en êtes-vous venue à collaborer avec le BICE ?

Nous avions remarqué que les plus jeunes enfants des travailleuses de la soie étaient complètement livrés à eux-mêmes, au sein même des usines. Cela nous a poussés à créer des crèches communau­taires qui fonctionnent sur un modèle original. Nous formons des femmes de la communauté pour qu’elles deviennent assistantes maternelles et s’occupent de 5 enfants chez elles. Ils y font toutes sortes d’activités pendant que les mamans travaillent. Le BICE a découvert notre projet en 2009 et choisi de nous soutenir. Avec des résultats impressionnants ! Le regard sur les enfants a changé, ainsi que l’attitude de leurs mères, qui étaient autrefois très dures, n’ayant connu elles-mêmes que les coups. La foi m’aide énormément dans mon travail. Je suis très croyante, je vais à l’église. Je commence mes journées en lisant la Bible, cela m’apporte beaucoup de paix. Dans l’équipe, il y a des musulmans, des hindous, chacun prie son propre Dieu.

Quel regard portez-vous sur l’enfance aujourd’hui ?

Tout dépend de l’environnement dans lequel l’enfant grandit. Je ne parle pas du contexte économique, mais de la communauté et de son attitude vis-à-vis des enfants. Il ne faut pas les regarder de notre hauteur d’adulte, mais avec leurs yeux d’enfants. Ils sont petits, mais ils pensent, ils peuvent décider pour eux-mêmes. Nous avons fait prendre conscience, dans les villages où nous travaillons, que l’éducation d’un enfant se fait par l’écoute et non par l’autorité. Même dans la pauvreté, la famille doit être un lieu de sécurité, de paix et de joie pour les enfants. Ils n’ont pas besoin de beaucoup de jouets, donnez-leur ce que vous pouvez, mais donnez-leur le sentiment qu’ils sont uniques, importants, qu’ils sont aimés et capables de grandes choses. Lors des ateliers sur la parentalité positive, certains parents réalisent qu’ils ont fait des erreurs. Je leur dis qu’il n’est jamais pas trop tard pour bien faire. Tout enfant est la création de Dieu, nous leur devons notre amour. Avoir rendu tant d’enfants heureux me rend heureuse.

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