Quel était le sujet de votre plaidoyer devant le Conseil des droits de l’homme le 17 mars dernier ?
Je suis intervenue au cours de la 52e session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies pour rappeler les graves conséquences de la pandémie de covid-19 sur les populations vulnérables, et notamment sur les enfants et les adolescents du département de l’Alto Paraná à l’est du pays, où Callescuela intervient dans le cadre du projet Écoles sans murs. Parmi elles : l’augmentation de l’abandon scolaire, l’exacerbation des violences quotidiennes, la dégradation de la santé mentale des jeunes. Avec le BICE, nous avons ainsi demandé, lors du Conseil, au Paraguay et aux autorités de l’Alto Paraná de :
- mettre en place des programmes spécifiques en matière de prévention des violences et de prise en charge psychologique ;
- adopter des mesures pour réduire la fracture numérique pour tous les enfants et les adolescents, notamment ceux issus de milieux vulnérables ;
- garantir la participation des enfants et des adolescents dans les instances décisionnelles ;
- assurer une éducation de qualité, en particulier dans les zones rurales et défavorisées.
Quelle est la place du plaidoyer dans les activités de Callescuela ?
Le cœur de notre action est la protection de l’enfant et de l’adolescent. Avec notamment un travail significatif mené pour favoriser l’accès de tous à l’éducation. Dans le cadre du projet encadré et soutenu par le BICE, nous gérons des centres d’éveil pour les tout-petits et nous proposons aux plus grands du soutien scolaire. Tout cela dans des communautés défavorisées où les familles en situation de grande précarité sont souvent oubliées par les autorités. Alors, nous voulons aussi faire évoluer cette réalité. Pour cela, nous menons diverses activités de plaidoyer local, national et, comme ici grâce au BICE, international.
Quels sont les effets du plaidoyer ? Obtenez-vous souvent des résultats ?
Oui. Ce qui est très motivant d’ailleurs. Mais il faut être patient et persévérant. Cela prend souvent du temps d’être entendu. L’année dernière, nous avons réussi à ce que le gouvernement ouvre une école secondaire dans l’un des quartiers défavorisés dans lequel nous travaillons. Et prenne en charge le salaire de quatre enseignants. Cette réussite, on la doit pour beaucoup au travail de recherche qui nous a permis de prouver que ces familles étaient oubliées par les autorités. On la doit aussi à la forte mobilisation de toute la communauté à nos côtés.
Vous êtes sensible au fait que la communauté elle-même et les enfants connaissent leurs droits et les défendent ?
L’approche de Callescuela a toujours été axée sur la participation de l’enfant. Donc oui, nous les formons à leurs droits, au processus de plaidoyer, à savoir à qui s’adresser pour faire avancer tel ou tel sujet, etc. Il est important que toute personne – notamment quand elle est issue d’une minorité dont les droits sont plus souvent bafoués – comprenne ses droits, le contexte, ce qu’elle peut demander. Sache comment se défendre. C’est pour cela que nous sensibilisons à leurs droits les enfants qui travaillent, par exemple, mais aussi les communautés autochtones ou les étudiants. Cela leur offre les connaissances nécessaires pour défendre leur droit à l’éducation auprès de leurs employeurs ou pour demander la gratuité des études supérieures…
Comment transmettez-vous l’envie aux enfants de participer ?
Dès leur plus jeune âge, nous les incitons à participer à la vie collective. Notre objectif est qu’ils se sentent impliqués dans la communauté, qu’ils aient envie d’y être actifs. Dans les centres petite-enfance, nous apprenons par exemple aux 4-6 ans à s’organiser pour leur goûter, à partager. Les enfants de 8-9 ans, inscrits en soutien scolaire, viennent les aider à se laver les mains, à s’installer, jouent avec eux aussi. Enfin, les anciens bénéficiaires sont nombreux, vers 17-18 ans, à encadrer bénévolement le soutien scolaire.
Parallèlement, nous leur apprenons très tôt leurs droits, l’importance de respecter l’égalité entre les sexes et de défendre le principe de non-discrimination. Nous les soutenons dans leurs actions de sensibilisation auprès du grand public ou de plaidoyer auprès des autorités lors des conseils municipaux ou départementaux des enfants et adolescents.
Mènent-ils souvent des actions ?
Ils sont actifs, oui. Organisés en groupes en fonction de leur âge et de la thématique qui les intéressent, ils se réunissent une fois par semaine. Et suivent un plan d’actions défini en amont. Ils ont également un espace commun dans lequel ils se retrouvent une fois par mois pour échanger entre groupes. Ils font remonter leurs idées et recommandations aux différents conseils locaux des enfants et adolescents. Et participent à des actions pour sensibiliser le grand public aux droits de l’enfant, et plus généralement aux droits de l’homme.
La dernière action a eu lieu le 8 mars, journée internationale des droits de la femme. C’était une marche pour défendre les droits des filles à laquelle ont participé des adolescentes et des adolescents. Nous sommes attachés au fait que les filles et les garçons défendent leurs droits côte à côte, prennent l’habitude de travailler ensemble car nous avons observé que les filles en position de leadership jusqu’à leurs 18 ans sont beaucoup moins représentées ensuite. Nous voudrions faire évoluer cette situation.
Les enfants et adolescents sont-ils écoutés par les autorités ?
La participation des enfants est inscrite dans la loi au Paraguay. Il existe donc des instances de concertation et de dialogue entre les élus et les enfants. Et la possibilité pour les jeunes de faire des propositions. Il est toutefois important de veiller à ce que leur parole soit prise correctement en compte, de suivre les dossiers, de rappeler aux autorités leurs engagements. C’est d’ailleurs ce que nous venons de faire devant le Conseil des droits de l’homme, en demandant aux autorités paraguayennes de garantir la participation des enfants et des adolescents dans les instances décisionnelles.