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enfant dans un arbre
© Volodymyr Tverdokhlib / Shutterstock

LES ENFANTS ET LA NATURE. UNE RECONNEXION À FAIRe

Les enfants jouent de moins en moins dehors. Ils deviennent des enfants d’intérieur, déconnectés de la nature mais hyperconnectés aux écrans. Pourtant, il est prouvé que le contact avec le vivant dans toute sa diversité est bénéfique à leur bien-être, leur santé et leur développement. Alors, sortons-les !

L’équipe de rédacteurs. Publié le
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Grimper aux arbres, jouer avec des bâtons, se rouler dans l’herbe, observer des fourmis, des papillons ou des vers de terre, sauter dans les flaques, plonger les mains dans la terre… sont autant de sensations et d’expériences savoureuses offertes par la nature et que beaucoup d’enfants adorent. Pourtant, ils consacrent de moins en moins de temps à jouer en extérieur.

L’extérieur perçu comme dangereux

Aux États-Unis par exemple, selon une enquête1 réalisée auprès de 830 mères de famille, seuls 31 % de leurs enfants jouent quotidiennement à l’extérieur, alors que 70 % d’entre elles affirment l’avoir fait lorsqu’elles étaient petites. « Aujourd’hui, les enfants ont peu l’occasion d’être dans la nature à moins de pratiques familiales régulières comme les balades en forêt du week-end », commente Marie-Laure Girault, codirectrice pédagogie, recherche et innovation de l’association FRENE, le réseau d’acteurs de l’éducation à la nature et à l’environnement. Par ailleurs, « le nombre et la durée des classes découvertes ont diminué et les enfants partent moins en colonies », pointe t-elle.

Cette tendance s’explique par un ensemble varié de peurs : les mauvaises rencontres, l’accident, les habits plein de boue ou le coup de froid. L’extérieur est perçu comme potentiellement dangereux, quand la maison est considérée comme un cocon protecteur. Il n’est pas non plus toujours facile d’intégrer des moments de nature dans nos quotidiens bien remplis. Cela demande des efforts, bien plus que de laisser un enfant devant un écran. D’autant plus que les aménagements territoriaux ne favorisent pas les activités extérieures avec parfois des trottoirs étroits ou inexistants, toujours plus de véhicules motorisés2, des surfaces végétalisées réduites ou encore la suppression des bacs à sable. « Si le collectif public ne s’engage pas sérieusement pour rendre accessibles les espaces de nature, on ne résoudra pas les difficultés de certaines familles – comme les parents sans voiture – à s’y rendre », souligne Anne-Caroline Prévot, directrice de recherche CNRS au CESCO3 du Muséum national d’Histoire naturelle.

Les enfants d’intérieur

Deux géographes néerlandais parlent ainsi du phénomène « d’enfants d’intérieur », qui désigne les enfants dont les activités quotidiennes se déroulent principalement à la maison, à l’école, dans un gymnase ou encore au centre de loisirs. La conséquence est la disparition progressive du jeu libre en extérieur et du contact direct avec la nature. Le risque ? Des problèmes de santé physique et psychique. Ce que le journaliste scientifique américain Richard Louv nomme le « syndrome du manque de nature » dans son best-seller Une enfance en liberté4. « Les enfants ont besoin de stimuli différents avec des humains et des non-humains, d’être en interaction et en relation avec plein de diversités. En cela, les espaces de nature offrent une grande variété d’odeurs, de couleurs, de mouvements à réaliser, de choses à voir, etc. », décrypte Anne-Caroline Prévot.

Ces dernières années, les études scientifiques se multiplient pour montrer les bienfaits de la nature. « Cela réduit les troubles de l’anxiété et l’angoisse, augmente le nombre de cellules immunitaires, rend les idées plus claires, renforce les capacités de concentration, baisse la prévalence de la myopie5… La verdure apaise », égrène Marie-Laure Girault. Dehors, le corps est en mouvement, ce qui est bon pour la santé physique et la motricité. Les expériences dans la nature favorisent aussi la coopé­ration, la capacité à s’émerveiller, renforcent la confiance en soi, par­ticipent au développement de la communication et à l’acquisition des apprentissages.

Enfants courant en bordure de forêt
© Master1305 / Shutterstock

La nature, source d’expériences…

Maxime, 10 ans, en fait régulière­ment l’expérience depuis qu’il a intégré les scouts voici deux ans : « Dans la nature, j’aime construire des cabanes et voir des animaux. Parfois, on a la chance d’apercevoir des lapins ou des renards. » Des sor­ties qui le mènent aussi à être plus respectueux de la nature. Son père, Stéphane, qui a été scout lui aussi enfant, tenait à combler un manque. « Nous sommes citadins. Pour Maxime, avant les scouts, la nature se limitait au parc à côté de la maison et à la pelouse du terrain de foot », com­mente-t-il. Si le garçon traîne un peu des pieds pour aller aux sorties, il en revient toujours « enchanté », assure son papa, qui garde lui-même un souvenir tendre de ses excursions en forêt quand il fallait « se laver dans le torrent ». Cette volonté de se rappro­cher de la nature résonne d’ailleurs avec les mots du pape François dans son encyclique de 2015 Laudato si’, où il nous invite à voir dans la nature la beauté plutôt que des ressources disponibles et nous appelle, adultes comme enfants, à prendre soin de notre maison commune.

… et lieu de contemplation

« On sait qu’il faut sortir les enfants dehors mais on ne sait pas toujours comment faire », admet Anne-Caroline Prévot, appelant à ne pas culpabiliser les parents. Mais plutôt leur donner des idées. Dans le cadre d’un projet de recherche universitaire, elle a co-élaboré « Fourmis et com­pagnie6», une plateforme d’échanges d’idées d’activités avec la nature pour les 0-3 ans. Et si on proposait à nos enfants et petits-enfants de partir à la chasse aux escargots, de constituer un herbier, de faire un pique-nique, de planter des graines de radis dans des jardinières, de cueillir des mûres… Parfois, il suffit juste de se rendre au parc à côté de chez soi, où les enfants trouveront toujours des buissons derrière lesquels jouer à cache-cache. S’il pleut et qu’il fait froid, repensons à cet adage suédois : « Il n’y a pas de mauvais temps, seulement de mauvais vêtements. »

À l’échelle collective, même s’il s’agit de « balbutiements », selon la codi­rectrice du FRENE, des initiatives intéressantes se développent en France, avec les cours de récréation végétalisées dites Oasis, les Rues aux écoles, un dispositif pour donner une place aux enfants et à la ver­dure aux abords des établissements, l’expérimentation L’école dehors qui concerne aujourd’hui environ 4 000 classes en France ou encore la création à Montpellier d’un espace de nature pour favoriser le jeu libre. « La nature est aussi propice à la contemplation », remarque le papa de Maxime. La majesté de la montagne, l’immensité et les bruits de la forêt, la forme changeante des nuages… nous lient à ce qui nous dépasse et au monde dans sa dimension sensible et spirituelle. « En tant qu’enfant, quand l’on vit tout ça, on éprouve une sensa­tion éperdue de liberté. »


1-Chiffres rapportés dans l’étude parue en octobre 2024 : Quelle place pour les enfants dans les espaces publics et la nature ?, Conseil de l’enfance et de l’adolescence
2- 1,7 million de véhicules étaient en circulation en 1946 en France, 36 millions en 2023, selon l’Insee
3 – CESCO : Centre d’écologie et des sciences de la conservation
4- Une enfance en liberté – Protégeons nos enfants du syndrome de manque de nature, édition Leduc S., 2020 (titre d’origine : Last Child in the Woods: Saving Our Children From Nature-Deficit Disorder)
5 – Une méta-analyse réalisée dans plusieurs pays et publié en septembre 2017 a démontré que l’incidence de la myopie diminuait de 45 % pour une heure passée en extérieur chaque jour, et de 50 % pour 76 minutes.
6- www.fourmiesetcie.fr

Les écoles dehors

En 2016, le réseau FRENE a lancé une recherche action participative baptisée Grandir avec la nature. Située en milieu scolaire, cette étude documente l’école dehors et ses effets sur les élèves, les pédagogues et leurs pratiques. Quelque 1 200 élèves de 65 classes, issues de six territoires, ont testé ces classes en plein air entre 2018 et 2022. Ces expérimentations ont donné lieu à la publication d’un rapport national début 2025, venant combler le manque d’études sur le sujet en France. « Ce travail a permis de légitimer et rassurer les enseignants sur les bienfaits de l’école dehors », assure Marie-Laure Girault, qui a codirigé ces recherches. Et la liste des bienfaits observés est longue, que ce soit au profit des enfants, des éducateurs ou de leur relation. « Faire classe dehors stimule le plaisir et la motivation pour aller à l’école », résume-t-elle.

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