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Marie Derain de Vaucresson
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Portrait. Marie Derain de Vaucresson

Juriste, ancienne Défenseure des enfants, Marie Derain de Vaucresson a consacré toute sa carrière à la protection de l’enfance. L’action, la rencontre de l’autre, le partage sont au cœur de ses engagements. C’est aussi, dit-elle, ce qui incarne sa foi.

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Quelle enfant avez-vous été ?

Marie Derain : En raison d’un léger handicap à la nais­sance, j’ai beaucoup fréquenté les hôpitaux et bénéficié d’une grande attention. Cela a fait de moi une petite fille hyper sociable, bavarde, débrouillarde et tournée vers les autres. Nous vivions dans le sud de la Bourgogne, entre collines, vignes et églises romanes. Il y avait tou­jours beaucoup de passage à la maison, de rencontres. Mon père était cadre dans l’industrie et ma mère a re­pris sur le tard un travail à La poste, par choix dans un quartier très populaire où elle rendait des services. Si la dimension sociale n’était pas présente dans leur cœur de métier, elle l’était dans leurs engagements. Notre école se trouvait à proximité d’un foyer de l’enfance. La directrice avait proposé que les enfants puissent être accueillis de temps en temps dans des familles. Mes parents se sont tout de suite proposés. Naturellement.

D’où est né votre engagement pour les enfants ?

J’ai su dès la fin du collège que je voulais être juge des enfants. Mais lors de mes stages à Paris pour pré­parer l’école de la magistrature, j’ai compris qu’ils voyaient les familles au mieux une fois par mois. Cela manquait de concret pour moi qui avais tant aimé, dans mon engagement chez les scouts, l’action, l’animation des jeunes, la rencontre. Je me suis alors orientée vers la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) en 1997. À l’époque, nous étions en charge non seulement des jeunes en conflit avec la loi mais aussi de la protection de l’enfance. Ma culture scoute me porte à favoriser les apprentissages par l’action, la responsabilisation des jeunes. J’ai beaucoup encouragé les éducateurs à le faire. Je suis restée à la PJJ jusqu’à ma nomination comme Défenseure des enfants en 2011, puis j’ai été secrétaire générale du Conseil national de la protection de l’enfance, avant de retourner dans le giron de la Justice, à l’inspection générale de la justice en 2020. Pendant 10 ans, je me suis donc consacrée exclusivement aux droits de l’enfant et à la protection de l’enfance. Mon ex­périence de vie a développé chez moi une foi in­carnée dans l’action, la rencontre de l’autre.

Comment abordez-vous votre mission de Présidente de l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des victimes ?

Mon expérience dans le scoutisme et à la PJJ sont fon­datrices dans ma façon d’aborder la mission que m’a confiée la Conférence des évêques. Les enfants, les jeunes, cabossés par la vie cherchent toujours à pous­ser les limites, à vérifier si les adultes en face d’eux vont tenir le coup. Nous sommes dans le même rapport d’exigence avec les personnes qui ont été victimes de violences sexuelles dans l’Église et se sont longtemps heurtées à des murs. Il y a quelque chose d’irréparable chez certaines qui les rend difficilement accessibles à la démarche proposée. C’est très dur, mais nous tenons.

Quelles sont vos craintes et vos espoirs pour les enfants ?

Je redoute le repli sur soi qui conduit à une indifférence au prochain. Il y a certes des élans altruistes chez les jeunes, mais ce sont parfois des démarches indivi­duelles, avec un effet relatif sur la transformation de la société. C’est cette perte du collectif qui me préoccupe. Je trouve en revanche des raisons d’espérer en consta­tant la place et la capacité d’agir grandissantes qu’on laisse aux enfants. J’ai contribué à mettre en place le Collège d’enfants au sein du Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, une douzaine d’enfants de dix à seize ans qui contribuent à la réflexion sur les politiques publiques qui les concernent. Ils apportent des sujets et souvent déplacent le débat. Cela change le regard que les adultes portent sur eux, et ce sont des expériences prometteuses pour l’avenir de ces enfants et adoles­cents. Dans les évangiles, Jésus donne le pouvoir d’agir aux personnes qui s’adressent à lui. C’est un puissant moteur de respect de l’autre. Actionner ça, c’est ma fa­çon de vivre ma foi.

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