Définir la santé mentale
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la santé mentale est définie comme « un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, faire face au stress normal de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté » [1]. Trop souvent négligée, elle fait pourtant partie intégrante de la santé. Elle ne se résume pas à l’absence de troubles ou de déficiences psychiques, mais englobe un état de bien-être psychologique, émotionnel et social.
Exemples de troubles de la santé mentale et symptômes associés chez l’enfant
La santé mentale est un spectre, allant du bien-être aux pathologies en passant par un état de mal-être passager. Les pathologies chez l’enfant sont diverses : dépression ; troubles du comportement alimentaire ; addiction ; troubles anxieux ; troubles obsessionnels-compulsifs, etc.
Les symptômes associés sont donc multiples : anxiété, idées noires, tristesse, colère, pleurs réguliers, difficultés de concentration, repli sur soi, communication lacunaire, suractivité ou au contraire sédentarité, etc.
Cadre juridique
Le droit à la santé mentale est avant tout un droit fondamental de chaque enfant ’. Il s’inscrit dans un cadre plus large, celui de la santé, reconnu dans le Préambule de la Constitution française de 1946, la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [2].
La Convention relative aux droits de l’enfant des Nations unies (CDE) y consacre son article 24 : « Les États parties reconnaissent le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. Ils s’efforcent de garantir qu’aucun enfant ne soit privé du droit d’avoir accès à ces services. » [3]. Par ailleurs, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies insiste sur l’indivisibilité et l’interdépendance des droits de l’enfant : « Non seulement le droit de l’enfant à la santé est important en soi mais la réalisation du droit à la santé est également indispensable à la jouissance de tous les autres droits garantis par la Convention. En outre, la réalisation du droit de l’enfant à la santé est subordonnée à la réalisation de tous les autres droits consacrés par la Convention. » [4]
La santé mentale des enfants en chiffres
Malgré le corpus juridique qui reconnaît la santé mentale comme un droit fondamental, les données à disposition sur son niveau d’application sont extrêmement préoccupantes :
À l’international :
- 45 800 adolescents se suicident chaque année, soit plus d’un jeune toutes les 11 minutes. [5]
- Plus de 13 % des adolescents âgés de 10 à 19 ans sont atteints d’un trouble mental diagnostiqué aux termes de la définition de l’OMS, représentant 86 millions d’adolescents âgés de 15 à 19 ans et 80 millions âgés de 10 à 14 ans. [6]
En France :
- 13 % des élèves scolarisés présentent un trouble de la santé mentale. [7]
- Le suicide est la 2e cause de mortalité chez les jeunes, après les accidents de la route. [8]
Prévenir et prendre en charge la santé mentale des enfants : quels défis ?
Interdépendance des droits
Comme l’a souligné le Comité des droits de l’enfant, les droits sont interdépendants. [9] La prévention des troubles de la santé mentale chez les enfants passe notamment par le respect effectif de leurs droits fondamentaux : droit à la vie, à la survie et au développement ; protection contre la violence ; accès à l’eau et à la nourriture ; accès à l’éducation, etc. [10]
Malheureusement, les statistiques témoignent de nombreuses violations, susceptibles d’affecter le bien-être mental d’un enfant ou adolescent. En voici quelques-unes :
- Violences : plus de 473 millions d’enfants, soit plus d’un enfant sur six à travers la planète, vivent actuellement dans une zone touchée par un conflit. [11] Également, 300 millions d’enfants âgés de 2 à 4 ans subissent régulièrement des violences physiques et/ou psychologiques. [12] Concernant le harcèlement scolaire en France, selon une enquête menée fin 2023 par le ministère de l’Éducation nationale, 5 % des élèves du CE2 au CM2, 6 % des collégiens et 4 % des lycéens en seraient victimes. Soit, en moyenne, plus d’un élève par classe.
- Accès à la nourriture : 149 millions d’enfants de moins de 5 ans souffraient d’un retard de croissance, 45 millions étaient émaciés (trop maigres pour leur taille), et 37 millions étaient en surpoids ou obèses. [13]
- Accès à l’éducation : plus de 250 millions d’enfants et de jeunes ne sont pas scolarisés. [14]
Pénurie de professionnels de santé
De plus, il est essentiel de pouvoir identifier et prendre en charge les troubles de la santé mentale chez les enfants. Or, on constate un manque criant de professionnels de santé spécialisés dans l’accompagnement des enfants et des adolescents.
- Dans le monde, le nombre de pédopsychiatres est inférieur à 0,1 pour 100 000 habitants dans tous les pays, à l’exception des pays à revenu élevé où ce taux est de 5,5 pour 100 000 habitants. [15]
- En France, sur l’ensemble du territoire, on compte seulement 700 pédopsychiatres pour 15 000 psychiatres et un médecin scolaire pour 16 000 élèves. [16]
La santé mentale, grande cause nationale 2025 en France
Aujourd’hui dans l’hexagone, la santé mentale gagne progressivement en importance dans le débat politique. Le 14 mai 2025, suite aux Assises de la santé scolaire, Elisabeth Borne, ministre de l’Éducation nationale, évoquait plusieurs pistes d’action en vue d’améliorer, en milieu scolaire, l’identification des signes de détresse chez les élèves et l’orientation pour une prise en charge plus rapide et adaptée.
Parmi les propositions avancées : la revalorisation du métier de médecins scolaires (dont le nombre de postes vacants dépasse les 40 %), la mise en place d’un protocole dédié à la santé mentale dans les établissements, la formation de personnels référents dans chaque circonscription pour le premier degré et dans l’ensemble des collèges et lycées, ou encore la création, dans chaque département, d’un pôle ressources de santé et bien-être.
Cette priorité donnée à la santé mentale par la ministre de l’Éducation s’inscrit dans la continuité de la décision du Gouvernement, fin 2024, de désigner la santé mentale comme grande cause nationale 2025. [17]. Parmi les engagements pris à cette période :
- Le doublement du nombre des Maisons des adolescents d’ici à trois ans. On en dénombre 125 actuellement.
- Le renforcement des SAMU psy, unités mobiles d’intervention en santé mentale.
- Le soutien à des technologies numériques innovantes en santé mentale.
Les actions menées par le BICE pour la santé mentale des enfants
La résilience est la capacité d’une personne ou d’un groupe à surmonter de grandes difficultés et à s’épanouir en présence de grands risques. Le Bureau International Catholique de l’Enfance (BICE) s’appuie sur cette approche pour accompagner psychologiquement les enfants fragilisés. À travers des ateliers, l’association aide les jeunes vulnérables à exprimer leurs émotions, à apaiser leur souffrance, à renforcer leur estime de soi et à identifier leurs facteurs internes et externes de protection pour qu’ils puissent surmonter les épreuves et se reconstruire. Face au constat, par nos partenaires sur le terrain, d’une augmentation du mal-être chez les enfants et adolescents, le BICE a multiplié ces dernières années, ses actions de soutien psychosocial, les intégrant à divers projets.
En Ukraine, Syrie, RDC, au Liban ou encore en Arménie, il accompagne des enfants et adolescents ayant vécu des événements traumatiques liés à la guerre et/ou l’exil.
En Géorgie, au Guatemala et au Togo, le BICE accompagne sur le plan psychologique des enfants victimes de violences (domestiques, scolaires, sexuelles…).
En Côte d’Ivoire, RDC, Togo et au Pérou, les ateliers résilience participent à aider les jeunes ayant été en conflit avec la loi à se réinsérer durablement dans la société.
Dans chaque projet, les parents jouant un rôle clef dans le bien-être de l’enfant, le BICE et ses partenaires locaux les sensibilisent à la bientraitance, aux droits de l’enfant et à la parentalité responsable.
En parallèle, pour répondre à une demande régulière de son réseau d’approfondir l’approche résilience, le BICE a développé pour ses membres des formations de tuteurs de résilience avec l’apport scientifique et pédagogique de son partenaire, l’Université Catholique du Sacré Cœur de Milan (UCSC).
Être attentif aux signes de mal-être et agir
Détecter les signes
Parents et professionnels de l’enfance peuvent contribuer à repérer les premiers signes de troubles de la santé mentale chez les jeunes. Comme souligné précédemment, un mal-être peut se traduire par un accès de colère, une attitude violente, une difficulté pour s’endormir, des nuits agitées, un manque d’énergie, un repli sur soi, etc. [18]
Parmi les signes qui peuvent vous alerter en cas de harcèlement scolaire : un refus d’aller à l’école, l’isolement, la timidité, l’irritabilité, matériels de l’enfant abîmés, des bleus, etc. [19]
Ainsi, tout changement de comportement doit attirer votre attention et vous inciter à consulter un médecin traitant ou un pédiatre. En cas de harcèlement, en France, vous pouvez également contacter le numéro gratuit 3018. [20]
Favoriser le bien-être de ses enfants
Pour favoriser un état de bien-être, il est essentiel que les enfants grandissent dans un environnement sain et stable. Quelques bonnes pratiques :
- Veiller à une bonne hygiène de vie (alimentation, activité physique régulière, sommeil réparateur).
- Être attentif au signes de mal-être et ne pas hésiter à consulter un professionnel.
- Dialoguer et communiquer de façon ouverte et régulière avec l’enfant (poser des questions ouvertes, ne pas interrompre ni minimiser leurs émotions).
- Encourager l’expression des émotions, ne pas punir un enfant parce qu’il est triste, en colère ou anxieux.
- Instaurer des routines stables (rituels familiers tels que la lecture du soir par exemple).
- Réguler l’exposition aux écrans et aux réseaux sociaux.
- Encourager les interactions sociales positives, les relations amicales.
- Valoriser les efforts et non uniquement les résultats ce qui l’aider à avoir confiance en lui.
[1] Organisation Mondiale de la Santé (2022). Plan d’action globale pour la santé (2013-2030). Disponible sur : https://iris.who.int/bitstream/handle/10665/361818/9789240056923-fre.pdf?sequence=1
[2] Défenseur des droits (2021). Rapport 2021. Santé mentale des enfants : le droit au bien-être. Disponible sur : https://www.vie-publique.fr/files/rapport/pdf/282436.pdf
[3] Nations Unies (1989). Convention relative aux droits de l’enfant. Disponible sur : https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/Conv_Droit_Enfant.pdf
[4] Comité des droits de l’enfant (2013). Observation générale n°15 sur le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible. Disponible sur : https://docs.un.org/fr/CRC/C/GC/15
[5] UNICEF (2021). La situation dans le monde en 2021. Dans ma tête : promouvoir, protéger et prendre en charge la santé mentale des enfants. Disponible sur : https://www.unicef.org/media/115496/file/SOWC2021_Full_Report_FR_WEB_copy%20.pdf
[6] UNICEF (2021). La situation dans le monde en 2021. Dans ma tête : promouvoir, protéger et prendre en charge la santé mentale des enfants. Disponible sur : https://www.unicef.org/media/115496/file/SOWC2021_Full_Report_FR_WEB_copy%20.pdf
[7] UNICEF France (n.d). La santé mentale des enfants et soutien psychologique. Disponible sur : https://www.unicef.fr/convention-droits-enfants/protection/bien-etre-des-enfants8
[8] UNICEF France (n.d). La santé mentale des enfants et soutien psychologique. Disponible sur : https://www.unicef.fr/convention-droits-enfants/protection/bien-etre-des-enfants/
[9] Comité des droits de l’enfant (2013). Observation générale n°15 sur le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible. Disponible sur : https://docs.un.org/fr/CRC/C/GC/15
[10] Nations Unies (1989). Convention relative aux droits de l’enfant. Disponible sur : https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/Conv_Droit_Enfant.pdf
[11] Indice mondiale de la paix (2024). Nombre le plus élevé de pays engagés dans un conflit depuis la Seconde Guerre mondiale. Disponible sur : https://www.visionofhumanity.org/highest-number-of-countries-engaged-in-conflict-since-world-war-ii/
[12] UNICEF (n.d). Maltraitances et violences infantiles. Disponible sur : https://www.unicef.fr/convention-droits-enfants/protection/maltraitances-infantiles/
[13] Site de l’OMS. Disponible sur :
https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/malnutrition#:~:text=On%20estime%20qu%E2%80%99en%202022%2C%20%C3%
A0%20l%E2%80%99%C3%A9chelle%20mondiale%2C%20149,et%2037%20millions%20%C3%A9taient%20en%20surpoids%20ou%20ob%C3%A8ses.
[14] UNESCO (2023). 250 million children out-of-school: What you need to know about UNESCO’s latest education data. Disponible sur : https://www.unesco.org/en/articles/250-million-children-out-school-what-you-need-know-about-unescos-latest-education-data
[15] UNICEF (2021). La situation dans le monde en 2021. Dans ma tête : promouvoir, protéger et prendre en charge la santé mentale des enfants. Disponible sur : https://www.unicef.org/media/115496/file/SOWC2021_Full_Report_FR_WEB_copy%20.pdf
[16] UNICEF France. La santé mentale des enfants et soutien psychologique. Disponible sur : https://www.unicef.fr/convention-droits-enfants/protection/bien-etre-des-enfants/
[17] Gouvernement. Parlons santé mentale ! Disponible sur : https://www.info.gouv.fr/grand-dossier/parlons-sante-mentale
[18] Pass santé jeune Bourgogne Franche Comté. Comment maintenir une bonne santé mentale chez l’enfant. Disponible sur : https://www.pass-santejeunes-bourgogne-franche-comte.org/comment-maintenir-une-bonne-sante-mentale-chez-lenfant/
[19] E-enfance. 5 signes qui doivent vous alerter d’un harcèlement scolaire. Disponible sur : https://e-enfance.org/5-signes-qui-doivent-vous-alerter-dun-harcelement-scolaire/
[20] République française. 3018 : le numéro unique pour les jeunes victimes de harcèlement et de violences numériques. Disponible sur : https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A17444