Depuis quelques jours, la ville de Goma à l’est de la République démocratique du Congo accueille des milliers de déplacés. « On parle de presque 10 000 personnes », précise Ignace de Cœur sans frontières, l’un de nos partenaires sur place. Des familles qui ont fui la semaine dernière les territoires de Nyiragongo et de Rutshuru près de la frontière avec le Rwanda, théâtres de violents combats entre le groupe rebelle M23* et l’armée congolaise.
Des villages entiers se sont vidés de leurs habitants
« Les tensions existent depuis longtemps dans cette zone, nous savons que ça peut arriver à tout moment et de plus en plus proche. Plus soutenus mardi 24 et mercredi 25 mai, les affrontements qui se sont déroulés à une vingtaine de kilomètres au nord de Goma ont été d’une telle intensité avec, sans cesse, des détonations, des explosions, des coups de feu que la population a fui vers Goma et vers Kiwanja. Des villages entiers se sont vidés. »
Même si depuis vendredi 27 mai, le calme revient progressivement dans ces territoires, les habitants ne sont pas appelés à rentrer chez eux. Les autorités craignent en effet la présence de nombreux explosifs laissés derrière eux par les rebelles M23. Des opérations de contrôle et de déminage sont d’ailleurs en cours.
Un soutien alimentaire et en eau proposé aux plus démunis
« Un convoi militaire a aussi permis de rouvrir dimanche la route vers Rutshuru au nord, qui permet l’approvisionnement de Goma, une ville de près d’un million d’habitants coincée au bord du lac Kivu, précise Ignace. Les familles déplacées, qui ne sont pas encore autorisées à rentrer, sont, elles, accueillies dans les écoles. Avec le soutien du BICE, nous apportons un soutien alimentaire aux plus vulnérables. Et notamment aux femmes enceintes, à celles qui ont de jeunes bébés et qui allaitent, aux enfants. Nous les aidons aussi pour acheter de l’eau. L’eau est difficile à trouver à Goma. »
Réunir les enfants égarés et leurs parents
Cœur sans frontières travaille également en collaboration avec la protection civile pour retrouver les enfants qui ont été séparés de leurs parents tandis que tous fuyaient. « Dans ces mouvements de foule, et notamment quand ils ont lieu la nuit, certains enfants se perdent. Nous sommes en train de recenser ceux qui ont suivi d’autres familles et qui sont actuellement accueillis dans les écoles. C’est un travail important mais nous avançons bien. »
* Le M23, mouvement du 23 mars, naît en 2012 d’une mutinerie d’anciens rebelles intégrés à l’armée congolaise en 2009. Accusé de nombreuses violences contre les populations civiles, le M23 occupe Goma pendant une dizaine de jours fin 2012. Fin 2013, chassé de la RDC par les forces congolaises, il dépose les armes et signe un accord de paix qui confirme sa dissolution. Le M23 est de retour dans le Nord-Kivu depuis novembre 2021. Ses attaques des positions de l’armée congolaise sont de plus en plus fréquentes depuis fin mars 2022, entraînant de nombreux déplacements de la population. Le M23 a été déclaré mouvement terroriste la semaine dernière par les autorités congolaises.
Fortes tensions entre la RDC et le Rwanda
Depuis lundi, des centaines de manifestants à Kinshasa accusent le Rwanda de soutenir les rebelles du M23 dans les attaques au Nord-Kivu. Et demandent la fermeture des frontières avec le Rwanda. « Les tensions sont vives entre les deux pays », souligne Ignace de Cœur sans frontières. À l’instar de la société civile, le gouvernement congolais avait dénoncé la semaine dernière l’implication du Rwanda dans les récents affrontements. D’autant que deux soldats rwandais ont été capturés sur le sol congolais. Samedi, le gouvernement congolais a donc interdit à la compagnie aérienne rwandaise d’opérer sur son territoire ; il a convoqué l’ambassadeur rwandais à Kinshasa ce mardi.