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Atelier dans l'espace résilience à Kiev
Atelier dans l'espace résilience à Kiev © WCU

Renforcer la résilience des enfants face à la guerre : un modèle d’accompagnement innovant en Ukraine

Depuis le début du conflit en Ukraine, le Bureau International Catholique de l’Enfance (BICE) et son partenaire local, Women’s Consortium of Ukraine (WCU), mettent en œuvre un programme de soutien psychosocial pour aider les enfants à surmonter leurs traumatismes. L’Espace résilience à Kiev offre un refuge structuré pour reconstruire l'espoir et renforcer les ressources internes et externes des jeunes affectés. Découvrez le travail qui y est mené, dans cet article, publié dans l’ouvrage « Santé émotionnelle des jeunes en milieu scolaire » (2025) de l’Office International de l’Enseignement Catholique.

L’équipe de rédacteurs. Publié le
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Le Bureau International Catholique de l’Enfance (BICE) fédère et anime un réseau composé de 89 organisations du monde entier, dont l’Office International de l’Enseignement Catholique (OIEC). Depuis sa création en 1948, le BICE, association reconnue par le Saint-Siège, s’engage pour promouvoir et défendre la dignité et les droits de tous les enfants à travers le monde, sans discrimination ni prosélytisme. Notre association mène des programmes dans une trentaine de pays, en partenariat avec des acteurs locaux, pour aider les enfants victimes de violences, de pauvreté ou privés d’éducation.

La résilience pour aider les enfants vulnérables à se reconstruire

L’un de nos axes d’intervention prioritaires consiste à renforcer la résilience des jeunes bénéficiaires, éprouvés sur le plan psychologique par un parcours de vie difficile ou des événements traumatisants. Notre conviction est que chaque enfant possède d’importantes ressources internes et externes. Des ressources qui peuvent l’aider à se reconstruire, s’il arrive à les identifier et à les mobiliser. Pour ce faire, l’appui d’un tuteur de résilience (psychologue, éducateur, enseignant…) correctement formé, investi dans l’écoute, l’expression des émotions, le dialogue, l’aidera à renforcer ses capacités et le sentiment d’appartenance à un ou plusieurs groupes.

Dans cette optique, le BICE forme depuis 2014, parmi les professionnels de l’enfance sur le terrain, des tuteurs de résilience. Et ce, en partenariat avec l’Université catholique de Milan à travers son unité Résilience au sein du département de psychologie. En parallèle, notre ONG met en place un volet « résilience » dans de nombreux projets (éducation, justice juvénile, lutte contre les violences, aide humanitaire). Et développe des initiatives centrées sur le soutien psychosocial, notamment dans des pays marqués par les conflits : Arménie, Ukraine, RD Congo, Liban, Syrie…

La résilience est la capacité d’un individu ou d’un groupe à surmonter de grandes difficultés et à s’épanouir en présence de grands risques. Il peut s’agir d’un traumatisme, de l’extrême pauvreté, d’une maladie grave, d’un deuil ou d’autres problèmes. Le journal d’Anne Frank ou la vie de Nelson Mandela en sont des exemples célèbres.

Stefan Vanistendael, sociologue et responsable de l’unité Recherche et Développement du BICE de 1979 à 2016

En guise d’exemple, nous allons, dans cet article, expliquer les actions et outils déployés en Ukraine, à Kiev au sein de l’Espace résilience, ainsi que dans l’espace mobile qui se déplace dans les oblasts isolés[1].

Une réponse concrète aux traumatismes de la guerre

Depuis le 24 février 2022, début de l’invasion russe en Ukraine, les enfants et leurs familles, déplacés ou non, font face à des défis émotionnels et psychologiques considérables. Selon l’Unicef, 1,5 million d’enfants ukrainiens risquent de souffrir de dépression, d’anxiété, de stress post-traumatique et d’autres troubles mentaux[2]. Une réalité à laquelle Women’s Consortium of Ukraine (WCU), soutenu par le BICE, tente de répondre depuis les premiers jours du conflit avec la mise en place d’un soutien psychologique en ligne (site internet et réseaux sociaux).

L’objectif poursuivi est de permettre aux habitants d’exprimer leurs émotions et les aider à surmonter ce changement brutal de vie. « Les enfants et familles réfugiés éprouvent principalement un sentiment de solitude et d’impuissance, constate alors notre partenaire sur le terrain. Tandis que les enfants confrontés à la guerre en Ukraine ressentent de la peur et de l’anxiété. » Quinze mois plus tard[3], en juin 2023, ce chat en ligne donne naissance à un lieu d’accueil à Kiev tourné vers la résilience. Un projet innovant, le premier du genre en Ukraine.

Spécialement aménagé, cet espace offre un soutien psychosocial structuré aux enfants âgés de 3 à 17 ans ainsi qu’à leurs parents, contribuant à renforcer leur résilience face aux épreuves de la guerre. Facilement accessible en transport public et disposant d’un abri à proximité, il est aménagé avec soin – couleurs agréables, mobilier confortable, matériel pédagogique… – afin de créer une atmosphère propice au bien-être des enfants.

Ces derniers peuvent y venir avec ou sans leurs parents deux fois par semaine : le mercredi pendant quatre heures et le samedi pendant six heures. Une régularité dans les visites permet de travailler de manière progressive et approfondie avec eux.

Une méthodologie éprouvée pour renforcer la résilience des bénéficiaires

L’Espace résilience repose sur une méthodologie spécifique construite en partenariat avec l’Université catholique de Milan et adaptée par WCU au contexte ukrainien. Les quatre professionnels y œuvrant ont été formés à l’approche résilience, afin d’animer, en tant que tuteurs de résilience, des ateliers collectifs.

L’accompagnement des enfants suit une progression en huit étapes, qui permettent de travailler avec les bénéficiaires sur les traumatismes liés au conflit, tout en les aidant à développer des compétences psychosociales.

Les étapes :

  1. La perle de vie : comprendre la résilience et ses mécanismes.
  2. Lunettes de perception : modifier la perception de soi et de son environnement.
  3. Je suis : renforcer les ressources internes comme la confiance en soi.
  4. Je peux : développer la capacité d’agir face au sentiment d’impuissance.
  5. Rétablissement : stabiliser l’état émotionnel et travailler sur le traumatisme.
  6. Je ressens et je suis écouté : favoriser l’écoute empathique et le partage émotionnel.
  7. Ensemble on peut le faire : renforcer les relations sociales et le soutien mutuel.
  8. La perle de vie : évaluer le parcours et célébrer les progrès accomplis.

Conçus par des psychologues spécialistes de l’enfance, les ateliers psychopédagogiques proposés à chaque étape sont ludiques et adaptés à l’âge des participants. Ils utilisent diverses formes d’expression – le jeu, le mime, le dessin, le conte, le déguisement, etc – dans lesquelles les enfants se sentent en général à l’aise. Grâce à ces canaux de communication alternatifs, à l’utilisation du langage oral, ils expriment souvent plus facilement leurs émotions.

Par exemple, l’activité « Sous l’orage », qui s’appuie sur le dessin et la médiation par l’image, permet aux enfants d’identifier ce qui les inquiète (facteurs de risque) et les ressources qui les aident à surmonter ces difficultés (facteurs de protection), par exemple, la famille, la foi, l’humour, les amis… Ils verbalisent ainsi ce qu’ils ressentent de manière constructive et prennent conscience de leurs capacités de résilience.

Pour tous ces exercices, le matériel requis (papier, crayons, boîte en carton…) et le principe sont généralement simples. En revanche, les modalités de réalisation et l’étude des résultats doivent être particulièrement précises pour être efficaces et correctement analysées. À l’aide d’un journal de monitoring que les tuteurs de résilience en Ukraine ont adapté à leurs besoins, ils suivent les avancées de chacun et partagent leurs notes lors de séances de supervision avec une psychologue.

Des résultats positifs : des enfants plus confiants en l’avenir

Les observations liées aux premiers groupes suivis sont positives. Les bénéfi­ciaires font notamment preuve d’une confiance en eux renforcée, d’une réduction des symptômes liés aux expériences traumatiques, d’une vision plus positive de l’avenir ou encore d’une meilleure capacité à établir des liens sociaux. Ces progrès contribuent au bien-être émotionnel et psychologique des enfants et réduisent les risques de problèmes de santé mentale à long terme.

De plus, comme le précise l’évaluation[4] du cabinet PriSMe, spécialisé dans la prise en charge en santé mentale, les propos des bénéficiaires « font tous état de la satisfaction d’avoir pu participer à ces ateliers ». Les principaux marqueurs des réponses étant le caractère ludique de l’animation et des activités, la personnalisation de l’approche ou encore l’enseignement de la capacité à aller chercher les ressources personnelles.

Trois exemples de témoignages recueillis par PriSMe. « Je suis devenue plus ouverte et je connais mieux mes points forts », a confié une adolescente. Une maman a, elle, expliqué : « Les ateliers ont permis d’installer un dialogue de qualité entre parents et enfants – alors qu’avant il était purement utilitaire. Désormais, chacun a conscience d’être une personne et expose ses émotions. » Et une autre d’ajouter : « J’ai vu un vrai changement vers la fin des ateliers. Désormais, les sujets à traiter sont abordés en dialoguant et s’intègrent dans nos réalités. »

Notons que le journal de monitoring permet aussi de révéler les cas qui ne peuvent être couverts par l’accompagnement en groupe et qui doivent être orientés vers la psychologue du projet pour un soutien individuel. Ces consultations contribuent à traiter des problématiques spécifiques et à offrir ainsi un soutien psychosocial complet aux enfants et à leurs familles.

Un modèle innovant adaptable à d’autres contextes de crise

Enfin, outre les ateliers de groupe, l’Espace résilience propose des moments de socialisation et des événements festifs pour renforcer le sentiment de communauté et le vivre-ensemble. Le projet inclut également un club des adolescents, une initiative née de la volonté des jeunes de rester en contact après les ateliers. Ce cercle offre un espace non-thérapeutique où ils peuvent échanger et entretenir les liens sociaux.

Initiative pionnière en Ukraine, l’Espace résilience offre une méthodologie structurée, efficace, tout en étant adaptable à d’autres contextes de conflit ou de crise. Comme le souligne l’évaluation : « Le point fort de l’approche est qu’elle est adaptable. Les partenaires se l’approprient et s’y investissent, permettant de travailler sur le positif même en tant de guerre. » L’Espace résilience contribue ainsi à bâtir un avenir plus solide pour une génération marquée par un tel contexte. Le guide méthodologique dont la parution est prévue en 2025 détaillera les étapes de création et de gestion d’un tel lieu, facilitant ainsi sa reproduction dans d’autres régions.


[1] Depuis juillet 2023, une équipe de WCU prend la route, une à deux fois par mois, en direction d’un des villages isolés des oblasts de Kiev ou Tchernihiv, à la rencontre des habitants. Autour d’ateliers de résilience, organisés le plus souvent dans des écoles ou des bibliothèques, WCU offre des moments d’échanges et de partage essentiels aux enfants et à leurs familles meurtris par la solitude et la guerre.

[2]  Unicef, Ukraine : une génération d’enfants au bord du gouffre, Communiqué de presse, 21 février 2023.

[3] L’ouverture prévue en janvier a été repoussée jusqu’en juin en raison des bombardements.

[4] Thierry LISCIA (cabinet PriSMe), Rapport d’évaluation de la mise en œuvre de l’Approche résilience au sein de l’Espace résilience à Kiev, septembre 2024.

Ouvrage de l'OIEC : Santé émotionnelle des jeunes en milieu scolaire

Couverture du livre de l'OIEC "Santé émotionnelle des jeunes en milieu scolaire"Face à la détérioration de la santé mentale de nombreux jeunes, l’OIEC publie un guide essentiel pour aider les communautés éducatives à mieux les soutenir et les accompagner. L’ouvrage propose des repères clairs pour comprendre les fragilités émotionnelles, prévenir la détresse psychologique et favoriser des environnements scolaires bienveillants et sécurisants.

Le BICE a pu y décrire dans un long article le travail mené en Ukraine, avec son partenaire local WCU, auprès des enfants et adolescents confrontés aux traumatismes de la guerre. Ce texte illustre l’expertise du BICE en soutien psychosocial et la solidité de son approche en matière de renforcement de la résilience, y compris en contexte de crise.

Publié en français, anglais et espagnol, ce guide s’inscrit dans une approche éducative intégrale, attentive à la personne dans toutes ses dimensions et fidèle aux valeurs du Pacte Éducatif Global.

Lire la publication en français

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