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Ateliers de résilience menés avec des enfants et adolescents suite à la guerre dans le Haut-Karabakh fin 2020
Ateliers de résilience menés avec des enfants et adolescents suite à la guerre dans le Haut-Karabakh fin 2020.
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Arménie. « Épuisés par le sentiment que ça n’en finira jamais »

Dans la nuit du lundi 12 au mardi 13 septembre, de violents affrontements à la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont éclaté. Jeudi, le cessez-le-feu, signé depuis la fin de la guerre dans le Haut-Karabakh à l’automne 2020, était de nouveau respecté par les deux parties. Malgré cela, la peur d’un nouvel embrasement paralyse la population arménienne. Rencontre avec Armine Gmyur, psychologue au sein d’Arevamanuk, notre partenaire en Arménie.

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Qu’avez-vous ressenti en apprenant ces nouveaux conflits ?

La situation est vraiment choquante. Depuis plusieurs semaines, certains spécialistes parlaient de la possibilité d’un nouveau conflit. Mais nous sommes tous sous le choc. Et puis, cela relance notre inquiétude d’être un tout petit pays entouré de pays hostiles. Nous avons peur de ne pas pouvoir défendre nos frontières. Ce sentiment est très ancré chez nous. Le 13 au matin, nous étions pour la plupart épuisés, désespérés… par l’impression aussi que ça n’en finira jamais.

Pouvez-vous nous parler des événements du début de semaine ?

Dans la nuit de lundi à mardi, vers minuit, cinq petites villes du sud de l’Arménie ont été attaquées par l’armée azerbaïdjanaise. Il y a eu des tirs d’artillerie pendant plusieurs heures sur les installations militaires arméniennes mais aussi sur des bâtiments civils. 2500 personnes ont fui. Il n’y a pas eu de demande officielle des autorités d’évacuer cette zone, mais les gens ont eu peur. Beaucoup n’osent pas rentrer. Et il semble qu’il y ait un village où toutes les maisons ont brûlé. Toutes les écoles sont pour l’instant fermées dans cette région. Le bilan est de 135 soldats morts et 80 civils blessés du côté arménien et 71 soldats morts du côté de l’Azerbaïdjan. Ce territoire du sud de l’Arménie est stratégique pour l’Azerbaïdjan car il lui permettrait d’avoir un accès direct à la Turquie.

Comment vont les enfants que vous accompagnez sur le plan psychologique suite à la guerre en 2020 ?

Ils souffrent beaucoup. Mes collègues me disent que les enfants viennent les voir depuis mardi pour leur poser des tas de questions. La situation est anxiogène pour eux. Et cela les replonge dans un passé douloureux. Cependant, nous voyons que le travail de résilience que nous menons avec eux est utile. Il les aide à faire face.

Et les parents ?

Pour les parents, c’est très difficile. Les noms des 135 victimes ne sont pas encore connus. Les corps sont du côté azerbaïdjanais. L’Azerbaïdjan a proposé mercredi à l’Arménie de lui remettre les corps mais pour l’instant on ne sait pas. Beaucoup de familles ont vécu la mort au combat d’un de leurs proches en 2020*. Et pour celles qui ont un mari, un frère, un fils, un oncle soldat, l’attente est longue. Ces deux derniers jours, j’ai également été en contact avec six soldats que nous avons accompagnés dans le passé. Ils sont très éprouvés par la situation mais se disent prêts à y retourner si nécessaire. Ça m’a beaucoup touché.

Allez-vous mener des actions particulières dans les jours à venir pour soutenir ceux qui en ont besoin ?

Oui. Nous organisons des consultations de groupe pour que les enfants, les familles puissent s’exprimer. Il est également important que l’on identifie les proches des soldats décédés afin de leur venir en aide rapidement. Plus les familles seront prises en charge tôt, plus nous serons efficaces. Et cela permet d’éviter de basculer dans des situations pathologiques, beaucoup plus compliquées à soigner.

En parallèle, vous continuez vos activités « habituelles » ?

Oui, dans le cadre du projet avec le BICE, nous accompagnons actuellement sur le plan psychologique 153 enfants grâce à la méthode Tuteurs de résilience. Nous soutenons également sur le plan psychologique et social 22 mères de famille. Nous les aidons à se réinsérer sur le plan professionnel. Parmi les familles que nous aidons, sept vivent au Haut-Karabakh, les autres dans la région de Shirak, au nord-ouest de l’Arménie (plus d’informations sur le projet, ici).

*Les 6 semaines de guerre au Haut-Karabakh à l‘automne 2020 ont fait 6 500 morts au total.

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