Rana El Khoury est libanaise, sociologue spécialisée en développement social et économique. Après avoir travaillé dix ans au ministère des affaires sociales et dans d’autres institutions et associations, elle s’est engagée dans l’accueil des réfugiés au Centre Fratelli, à Rmeileh. Dans ce cadre, elle a suivi la formation Tuteurs de résilience du BICE et nous explique, ce que signifie pour elle, être Tuteur de résilience.
Rana, pouvez-vous nous décrire en quelques mots le travail du Centre Fratelli ?
Le centre Fratelli est né de la collaboration, au Liban, de deux instituts religieux : les Frères des écoles chrétiennes et les Frères maristes. Face à l’afflux des réfugiés dans la région – le Liban en compterait plus d’un million, pour l’essentiel syriens -, il a été décidé de créer deux centres socioéducatifs : l’un à Rmeileh, près de Sidon et l’autre à Bourj-Hamoud dans la banlieue nord de Beyrouth. Ces centres accueillent les enfants, les jeunes et les familles en situation de grande vulnérabilité.
Depuis la création du centre en 2016, nous n’avons cessé de faire face une demande croissante. Aujourd’hui, nous accueillons plus de 600 enfants, âgés de 3 à 15 ans : 500 à Rmeileh (syriens, palestiniens, libanais, …) et 100 à Bourj Hamoud (syriens mais aussi irakiens, …).
Quel est le rôle de l’éducateur comme Tuteur de résilience ?
En tant qu’éducateurs, nous tentons d’accompagner et d’aider ces enfants qui ont souvent connu des expériences très douloureuses et vivent encore dans des conditions familiales compliquées. Aux traumatismes de la guerre et du déracinement, s’ajoutent en effet fréquemment des situations de pauvreté, d’abandon, de maltraitances, de divorces, … Les enfants ont particulièrement besoin de soutien au niveau psycho-social et éducatif.
La formation Tuteur de résilience du BICE oblige avant tout les éducateurs à changer de regard sur ces enfants. A ne pas les juger, à les écouter et à faire preuve en toute circonstance d’empathie. Le Tuteur de résilience doit toujours apporter l’espoir et l’espérance. Il doit être un modèle, se montrer positif. Il doit être capable, tout à la fois, de faire confiance à l’autre, à l’enfant et d’inspirer cette confiance.
Concrètement, comment le Tuteur de résilience agit-il au quotidien ?
L’approche résiliente est véritablement un moyen de fortifier et de renforcer les compétences des éducateurs. Bien des enfants que nous accueillons sont en souffrance et refusent, dans un premier temps, toute aide. Certains vivent des comportements violents à la maison et ne savent que les reproduire. Grâce à la formation Tuteur de résilience, les éducateurs se trouvent moins désemparés. Ils disposent d’outils pour mieux agir et réagir avec les enfants, notamment via les ateliers.
Dans notre centre, nous utilisons par exemple beaucoup les ateliers basés sur le théâtre, les jeux de rôle, la musique. Dans ces activités, les enfants se défoulent tout en restant concentrés et organisés pour un travail précis. Grâce à elles, ils expriment plus facilement leurs émotions. Des sentiments jusqu’alors refoulés surgissent, des failles apparaissent. A nous de les repérer, de les comprendre, d’aider les enfants à les surmonter. Et plus encore : à nous d’aider les enfants à construire à partir d’elles.
A Fratelli, comme nous le disons souvent, nous ne « traitons » pas les enfants, nous les accompagnons. Nous sommes seulement là pour aider les enfants à trouver des solutions à leurs problèmes et à redevenir à nouveau moteur de leur vie.