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Enfant au Pérou. Visuel réalisé pour les 35 ans de la CDE
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Convention relative aux droits de l’enfant. Entre réalisations et défis

La Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) a 35 ans. L’occasion pour Alessandra Aula, secrétaire générale du BICE, de revenir sur les origines de ce traité, de souligner les progrès qu’il a permis et les défis encore à relever.  

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35 ans après l’adoption de la CDE (aussi appelée CIDE en France), pouvez-vous nous rappeler brièvement ses origines ?

Alessandra Aula : L’adoption de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant est le résultat d’un processus qui a débuté par les travaux préparatoires de l’Année internationale de l’enfant lancée à l’initiative du BICE et tout spécialement du chanoine Joseph Moerman, ancien secrétaire général de notre organisation. C’est en effet en 1979 que s’est engagé le premier débat sur un projet de convention soumis par la Pologne. Dix ans après, en 1989, cela a conduit la communauté internationale à se doter d’un traité fondateur qui regroupe dans un même document les droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux de l’enfant. Un véritable succès. D’autant que toutes les négociations se sont déroulées en pleine guerre froide. Le mur de Berlin est tombé le 9 novembre, la CDE a été adoptée à l’unanimité par les États membres de l’ONU le 20.

alessandra aula, secrétaire générale du BICE

Dans le temps, comment la communauté internationale s’est-elle positionnée par rapport à ce traité ?

A.A : Si nous regardons cette question d’un point de vue quantitatif, nous ne pouvons que nous réjouir ! Avec ses 196 États parties, la CDE est le traité le plus ratifié au monde. Seul les États-Unis ne l’ont toujours pas ratifié*. On compte également 178 États parties au Protocole facultatif relatif à la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. 173 États parties au Protocole facultatif concernant l’implication des enfants dans les conflits armés. Et 52 au Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications. Ces trois protocoles sont venus compléter la Convention en 2000 et en 2014.

Par ailleurs, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, constitué en 1991 et composé de 18 experts indépendants dont le mandat est de surveiller l’application de la Convention, a tenu 97 sessions, reçu environ 950 rapports étatiques, 6 000 d’ONG dont le BICE et publié 26 Observations générales pour approfondir le contenu de certains articles du traité.

Et d’un point de vue qualitatif ?

A.A : Nous pouvons mettre au crédit de la CDE des avancées significatives dont :

  • L’harmonisation progressive des législations nationales et un travail de diffusion normative. Les dispositions de la CDE ont au fur et à mesure été intégrées dans les systèmes juridiques nationaux et régionaux, notamment à travers le plaidoyer de nombreuses ONG. Le BICE, grâce à son statut auprès de l’ONU, continue d’y contribuer très activement en collaboration avec son réseau de membres sur le terrain.
  • La création progressive d’une culture des droits de l’enfant qui a permis le développement d’initiatives favorables à l’enfant. Parmi elles, la nomination de défenseurs, de multiples campagnes de prévention initiées par les ONG locales et nationales, ou l’octroi d’une place plus importante aux droits de l’enfant dans l’agenda politique.
  • Un nouveau regard sur l’enfance. Les enfants ne sont plus considérés comme des êtres qui n’atteindraient leur épanouissement que dans le futur mais comme des personnes à part entière, véritables sujets de droits.

Mais, que dire de l’impact de la Convention sur la vie des enfants ?

A.A : Si la Convention marque sans doute une étape décisive dans l’histoire du droit, la réalité nous montre, toutefois, que des millions d’enfants sont encore aujourd’hui à l’écart de ces droits. Ils se retrouvent victimes de l’extrême pauvreté, de l’exclusion, de la violence ou de la discrimination. Enfants sans identité, enfants soldats, enfants abusés sexuellement, enfants exploités économiquement… La liste reste longue. Suite à la pandémie de covid-19 et à la situation géopolitique actuelle, même les accès à l’alimentation, à l’éducation, à la santé sont de plus en plus défaillants pour de millions d’enfants dans le monde.

Quelle analyse en fait le BICE ?

A.A : Il nous semble que le contexte crée des situations de déracinement. Déracinement physique, quand les enfants sont retirés de leur milieu culturel de vie (conflits armés, exil, déplacements dus aux conséquences du changement climatique ou pour des raisons économiques, urbanisation massive, placement dans certaines institutions…). Et déracinement psychosocial en raison de différentes formes de violence, de la fragilisation de la famille et de l’école. Ces deux formes, souvent liées, privent en fin de compte les enfants qui en sont victimes de l’accès à leurs libertés et à leurs droits fondamentaux.

Un autre enjeu qui influence grandement la vie des enfants aujourd’hui concerne le numérique. La Convention est-elle encore d’actualité par rapport à ce défi ?

A.A : Il est vrai que les nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC), qui étaient pratiquement absentes au moment de la rédaction de la CDE, sont devenues le nouveau système d’interaction notamment chez les jeunes. Sans oublier que l’âge de leur utilisation baisse de plus en plus. L’accès en ligne non supervisé rend les enfants potentiellement vulnérables aux différentes formes de violence et d’exploitation (cyberharcèlement, grooming, cybercriminalité…). Et il est souvent difficile pour les parents et les éducateurs de les détecter à temps. Le Comité des droits de l’enfant s’est emparé de cette question dans son Observation générale No 25 (2021) sur les droits de l’enfant et l’environnement numérique que le BICE a contribué à rédiger et diffuser.

Précisons à l’inverse que les TIC peuvent aider à mieux protéger les enfants. Elles leur offrent la possibilité d’accéder à des institutions qui leur sont dédiées, d’utiliser des lignes vertes ou des chats pour faire état de cas de violences dont ils seraient victimes ou témoins, de demander de l’aide psychosociale. Dans ce sens, les interventions de notre partenaire en Ukraine pour soulager les traumatismes des enfants atteints par le conflit sont exemplaires.

Quelle parole veut porter le BICE à l’occasion de cet anniversaire ?

A.A : En dépit de la sombre réalité qui nous entoure, les enfants savent faire preuve de vitalité, d’une sorte d’énergie pour se redresser et dépasser d’une façon positive les défis que la vie leur impose. Au BICE, nous appelons cette capacité qui est en eux, résilience. Elle accroît aussi leurs chances de voir leurs droits respectés parce qu’elle les rend capables de les défendre. Mais pour donner tous ses fruits, la résilience gagne à être développée et soutenue par différents facteurs dont, en premier lieu, l’insertion de l’enfant dans un milieu familial et communautaire protecteur. Notre engagement et notre mobilisation résident, au fond, dans cette conviction profonde.

Quand j’ai rejoint le BICE en 2008, j’ai pu découvrir ces paroles précieuses de Janusz Korczak** qui résonnent avec une force inouïe pendant cette période troublée  :

« Vous dites : “C’est épuisant de s’occuper des enfants” ; vous avez raison. Vous ajoutez : “Parce que nous devons nous mettre à leur niveau. Nous baisser, nous pencher, nous courber, nous rapetisser”. Là, vous vous trompez. Ce n’est pas tant cela qui fatigue le plus que le fait d’être obligés de nous élever jusqu’à la hauteur de leurs sentiments. De nous élever, de nous étirer, nous mettre sur la pointe des pieds, nous tendre. Pour ne pas les blesser. »

Alors, à 35 ans de cet événement majeur qu’a été l’adoption de la Convention, continuons à appeler toute personne à faire de ces mots une réalité et à respecter l’enfant.

*Les États-Unis ont, toutefois, signé la CDE et ratifié ses Protocoles I et II.

**Janusz Korczak (1878-1942), célèbre pédopsychiatre polonais, inlassable défenseur de la cause des enfants, est mort à Treblinka où il avait été déporté avec les enfants de son orphelinat qu’il avait refusé d’abandonner.

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