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Portrait Cristina castelli professeure université catholique de Milan, spécialisée dans la recherche sur la résilience
© C. Castelli
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Cristina Castelli. Une foi dans la résilience

Professeure émérite et directrice de l’Unité de Recherche de la Résilience au sein de la faculté de psychologie de l’Université catholique de Milan, vice-présidente du BICE, Cristina Castelli oriente depuis toujours sa recherche au plus près du terrain et des besoins des enfants.

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Quelle enfant avez-vous été ?

Cristina Castelli : Le jour de ma naissance, mon père était si heureux qu’il a mis un drapeau italien à la fenêtre. C’était en Suisse, à Lugano, en 43, la police a cru que mon père saluait le débarquement américain en Italie. Je vous raconte cette anecdote car c’est une chance pour toute la vie d’avoir été désirée ainsi. Cela m’a donné de la force dans les épreuves. Ce qui ne m’a pas empêchée d’être une enfant terrible ! J’aimais surtout jouer, faire du sport, du ski. Ma mère racontait que mon frère s’intéressait davantage que moi à mes poupées. Moi qui n’aimais pas l’école, j’ai fini par étudier toute ma vie.

D’où est né votre engagement pour les enfants ?

D’abord du scoutisme, qui m’a appris très tôt à partager avec ceux qui en ont le plus besoin. Le fait d’avoir grandi en Suisse, pays de la Croix-Rouge, a joué également un grand rôle. On nous parlait des actions que menait l’organisation auprès des victimes de la guerre. Je me souviens aussi que j’étais intriguée par les représentations de l’enfance. D’un côté, les enfants des publicités, très souriants, évoluant dans des milieux joyeux et bienveillants, et, de l’autre, ceux pâles et miséreux pour lesquels on faisait appel à notre générosité. Cela m’a donné envie de découvrir où se situait la réalité. Je n’ai eu de cesse par la suite d’aider les enfants à devenir des êtres libres, indépendamment de leurs conditions de vie.

Et pourquoi spécialement la résilience ?

Mon père m’avait mise en pension chez les Sœurs Marcelines à Milan. C’est là que j’ai commencé à m’intéresser aux études. Après mon bac, j’ai fréquenté la faculté des sciences de l’éducation. Nous étudiions la psychologie, la pédagogie, l’éducation. J’y ai découvert des éducatrices comme Maria Montessori qui a compris très tôt comment aider les enfants à construire leur résilience, même si elle n’utilisait pas ce terme. Mais aussi Giuseppina Pizzigoni, qui a créé des écoles dans la période de l’entre-deux guerres. Elle avait constaté que le matin, les enfants participaient peu en classe. Quand elle a compris qu’ils arrivaient le ventre vide, elle a acheté une vache qu’elle trayait dans la cour de l’école. J’ai aussi découvert l’artiste et enseignante Frederika Dicker-Brandeis. Dans le camp de Theresienstadt où elle avait été déportée, elle ramassait tous les bouts de papier qu’elle trouvait pour permettre aux enfants d’exprimer leurs émotions par le dessin. Tous ces exemples m’ont incitée à me lancer dans un travail de recherche sur la résilience, puis à créer un master, intitulé ‘Relations d’aide dans un contexte de vulnérabilité’, que je dirige encore, et dont le fil rouge est la résilience.

J’ai ensuite été nommée Professeure ordinaire à l’Université de Milan où j’ai dirigé le département de psychologie. Ma plus grande innovation a été d’élargir les missions de l’université au-delà de la recherche et de l’enseignement en incitant les expérimentations sur le terrain. Exactement comme à la faculté de médecine où les étudiants apprennent en soignant les malades. Les méthodes et instruments enseignés sont testés sur le terrain, et les observations faites alimentent la recherche. C’est ainsi que nous avons pu vérifier l’importance de la résilience sur laquelle je continue à former des ONG comme le BICE, la Croix-Rouge, Caritas et des centres d’accueil pour les mineurs non accompagnés.

Quelles sont vos craintes et vos espoirs pour les enfants ?

C’est sans doute banal pour une femme de quatre-vingt ans, mais je crains qu’avec les outils technologiques, les enfants s’isolent des autres. Ils sont toujours en quête de connexion, mais ce sont des connexions virtuelles. Or la résilience se construit à travers les relations authentiques. Il y a aussi le côté positif des choses. Les progrès technologiques permettent d’avoir plus de temps pour soi. Il faudrait apprendre aux jeunes parents à dédier à leurs enfants tout ce temps gagné !

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