Au Mali, la population est très jeune. Les moins de 15 ans représentent 49 % des habitants. Une réalité que les politiques publiques ne prennent pas suffisamment en compte. Les infrastructures sont insuffisantes et inadaptées aux besoins des enfants et des adolescents.
Crises sécuritaire, sanitaire, économique… Les plus démunis en souffrance
La crise sécuritaire qui sévit depuis 2012 a provoqué un important recul des droits de l’enfant dans les zones de conflits. Plusieurs milliers d’enfants n’arrivent plus à aller à l’école à cause des menaces djihadistes. Et beaucoup de mairies ne fonctionnent plus correctement. Cela affecte notamment l’enregistrement des naissances et l’établissement d’autres actes d’état civil.
La covid-19 et les crises qui ont suivi ont, elles, compromis les quelques efforts déployés précédemment par l’État, à travers ses services techniques et les collectivités territoriales, en matière de protection de l’enfance. « Les restrictions mises en place pour enrayer la pandémie, l’embargo sur le Mali depuis janvier 2022*, la crise ukrainienne ont provoqué la hausse des prix de plusieurs matières premières, des hydrocarbures, des produits alimentaires, sanitaires et médicaux. Les familles en souffrent. La pauvreté et l’extrême pauvreté augmentent. Ainsi que le travail des enfants », précise le partenaire du BICE, le BNCE-Mali.
Les bénéficiaires (2022-2024)
Bénéficiaires directs
- 100 enfants accueillis et hébergés dans le centre transitoire
- 500 enfants en soutien scolaire
- 500 personnes sensibilisées
- 75membres de CGS et d’APE formés aux droits de l’enfant
Bénéficiaires indirects
- 10 enseignants
Les filles particulièrement touchées par la déscolarisation
En effet, face à l’augmentation de la pauvreté, la déscolarisation des enfants, déjà courante, s’aggrave au profit d’activités rémunératrices comme le travail aux champs ou, dans la région de Sikasso, l’orpaillage (recherche et exploitation artisanale de l’or). « Il n’est pas rare non plus, précise notre partenaire, que des enfants – garçons et filles – soient confiés à d’autres familles en échange d’un prêt de matériel agricole. Dans ces situations, les jeunes sont souvent soumis à des traitements qui avoisinent la servitude. »
La discrimination à l’égard des filles est aussi très présente. Cela se traduit notamment par un risque de déscolarisation accru. En cause : le manque de moyens des parents, le travail forcé, le mariage précoce, les inégalités de genre. Ce qui a un fort impact sur leur autonomisation y compris professionnelle, et les expose davantage à des violences psychologiques et sexuelles.
« Pour fuir l’une ou l’autre de ces situations, violentes pour un enfant, certains quittent tout, partent en ville. Certaines jeunes filles, issues de familles pauvres, espèrent aussi gagner plus d’argent à Bamako afin de constituer une dot pour faire un bon mariage. Mais, inexpérimentés, sans qualification professionnelle et isolés, nombre de ces adolescents se retrouvent chez des employeurs qui se soucient peu ou pas de leurs droits fondamentaux. »
Comment aider les enfants déscolarisés et isolés ?
Dans la ville de Sikasso, au sud-est du pays, le BNCE-Mali accueille depuis 2012 des enfants en situation de détresse. Son objectif est de les accompagner sur le plan psychologique. Mais aussi de leur proposer des cours d’alphabétisation, de remise à niveau et/ou des formations afin de faciliter leur réinsertion sociale et professionnelle.
« Nous hébergeons chaque année dans notre centre une cinquantaine d’enfants isolés. Des adolescentes confrontées à des grossesses non-désirées, des enfants ou adolescents victimes de violences, ou encore des jeunes en conflit avec la loi. Tous déscolarisés. En plus d’un accompagnement psychologique et éducatif, nous les aidons à renouer avec leur famille quand cela est possible, précise notre partenaire. Nous menons également des actions de sensibilisation aux droits de l’enfant et plus spécifiquement au droit à l’éducation et au droit à une identité dans les villages alentours. Notre objectif est de faire évoluer les mentalités, les habitudes sociales, d’agir à la source. »
Projet 2022-2024 en faveur de l’éducation des enfants et notamment des filles dans la région de Sikasso
Débuté en septembre 2022, ce projet prévoit d’héberger sur deux ans 100 enfants (50 par an environ) dans le centre du BNCE-Mali. Parallèlement, 500 enfants en difficulté scolaire bénéficient de cours de rattrapage. Et des actions de sensibilisation aux droits de l’enfant sont menées auprès des parents, des communautés villageoises, des autorités.
Accueil, hébergement et accompagnement des jeunes isolés
Les enfants en grande difficulté accueillis dans le centre bénéficient de soutiens alimentaire, vestimentaire, médical et psycho-social. Des médiations sociales, des recherches de famille et des réunifications familiales sont menées quand cela est possible. Les animateurs du centre organisent également des activités culturelles, sportives et de loisirs pour les jeunes, filles et garçons, hébergés. Chaque enfant travaille de surcroît avec l’équipe du centre sur son projet de vie.
Parmi les enfants hébergés et au regard des projets de chacun, 30 sont aidés sur le plan financier et administratif pour permettre leur inscription dans une école. Des kits scolaires (fournitures, tenues, frais de bus…) leur sont distribués. 30 autres sont orientés vers une formation professionnelle. Le BNCE démarche les maîtres-artisans pour faciliter le placement des jeunes en apprentissage. Et propose aux apprentis une aide matérielle ou financière en fonction des besoins de chacun.
Les 40 derniers enfants sont épaulés par leurs parents pour mener à bien leur projet de vie. Dans tous les cas, le BNCE-Mali suit les adolescentes et adolescents afin de s’assurer de la qualité de leur prise en charge.
Cours de rattrapage pour les enfants en difficulté scolaire
En partenariat avec cinq écoles des communes de Gongasso, Kaboila, Lobougoula, Loulouni et Sikasso, des cours de rattrapage sont mis en place et animés par dix enseignants. La présence de deux enseignants, sensibles aux droits de l’enfant, par groupe d’élèves permet d’adapter, de personnaliser le suivi scolaire. Et idéalement de pérenniser cette nouvelle pratique. Au cours des deux ans, 500 enfants en bénéficient soit 250 par an.
Augmenter le taux de scolarisation grâce aux actions de sensibilisation sur le droit à l’éducation
Le projet prévoit la réalisation de plusieurs actions d’information et de prévention. Des rencontres et actions de plaidoyer avec des élus communaux, des membres des Comités de Gestion Scolaire (CGS) et des Associationsde Parents d’Elèves (APE) sont menées dans chaque zone d’intervention du BNCE pour ce projet : Gongasso, Kaboila, Lobougoula, Loulouni et Sikasso.
L’objectif est de réfléchir, en collaboration avec des acteurs clés de l’école, à la mise en œuvre d’actions contribuant à promouvoir le droit à une éducation de qualité pour tous les enfants, et notamment pour les filles. Et permettant ainsi de lutter contre la déscolarisation. « Ces derniers mois, nous avons aussi constaté une augmentation des migrations d’enfants vers Bamako. Ces enfants sont souvent confrontés à de nombreuses situations traumatisantes. Nous devons sensibiliser les autorités à ce problème. Autre difficulté à aborder avec les élus : la recrudescence du nombre d’enfants non enregistrés à l’état civil », souligne le BNCE-Mali, qui a déjà mené en 2017 des campagnes de sensibilisation sur le droit à l’identité dans 10 communes près de Sikasso.
Des actions dédiées à l’importance d’enregistrer les enfants à l’état civil à leur naissance sont menées en direction des enfants et des parents. L’occasion aussi de transmettre des informations sur les procédures de jugements supplétifs pour les enfants non enregistrés. Autres sujets abordés lors de ces campagnes de sensibilisation pour favoriser la scolarisation : les dangers de la migration de mineurs non-accompagnés ; les conséquences de la non-scolarisation ; les risques des mariages et grossesses précoces ; l’importance du respect des droits de l’enfant…
* Le 9 janvier 2022, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union économique monétaire ouest-africaine (UEMOA) ont imposé des sanctions économiques et financières contre le Mali. Cet embargo a été levé le 3 juillet 2022.