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éducation lutte contre les gangs
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« L’éducation joue un rôle clé pour tous ces enfants »

Au Guatemala, dans la zone marginalisée de Chinautla près de la capitale, le partenaire du BICE, la fondation Pedro Poveda, gère un centre socio-éducatif.  Un lieu essentiel pour les enfants de ce quartier. Il permet notamment de lutter contre leur enrôlement dans les gangs. Zoom sur ce sujet avec Blanca et Michelle de la fondation Poveda.

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Quels sont les gangs présents au Guatemala ?

Les maras sont les gangs les plus actifs au Guatemala.  Ce mot vient des fourmis « Marabunta » au Brésil, qui lorsqu’elles se déplacent dévastent tout sur leur passage. L’image est parlante ! Il existe deux maras au niveau international et national : Mara 18 qui a émergé aux États-Unis et Mara Salvatrucha qui vient du Salvador. Ces deux gangs sont présents au Guatemala depuis les années 1980.

Chaque mara est formée de « clikas », des groupes implantés dans les quartiers et composés de jeunes locaux. Ces groupes respectent les règles strictes de leur mara, sont impliqués dans des activités illégales et criminelles, revendiquent le contrôle de certains territoires, collectent des « impôts » auprès des commerçants… Ils expriment leur identité à travers des symboles, des signes communs. La violence y est omniprésente. Selon des sources policières, les enfants qui y participent ont entre 8 et 17 ans. Les adultes, entre 18 et 33 ans. 95 % sont des hommes.

Comment expliquer leur apparition au Guatemala ?

Leur implantation s’explique par la proximité avec le Salvador. Mais pas seulement. Pendant les conflits armés internes au Salvador, au Guatemala et au Nicaragua, des milliers de personnes, y compris des jeunes hommes, sont partis aux États-Unis, souvent de façon irrégulière. Beaucoup rencontrèrent des difficultés à s’intégrer. Et, en raison de leur familiarité avec les armes, certains ont rejoint la mara 18 ou la mara Salvatrucha. De retour dans leur pays, après avoir été expulsés, la plupart a conservé des liens avec sa mara, recréé un groupe en reproduisant le même fonctionnement, les mêmes règles et comportements.

Et leur expansion ?

Ces gangs sont présents aujourd’hui dans de nombreuses provinces du pays. Leur développement s’explique par plusieurs facteurs. Parmi eux, le conflit armé (1960-1996), l’instabilité démocratique, la pauvreté* et les fortes inégalités sociales, un système éducatif défaillant, des services sociaux saturés et inefficaces, le manque de perspectives pour les jeunes… Il faut aussi savoir que la violence est omniprésente dans les relations sociales au Guatemala. Le conflit armé notamment a laissé un héritage de violence qui persiste encore.

Comment cela se passe dans la zone défavorisée dans laquelle vous intervenez ?

Dans le quartier pauvre et marginalisé de Chinautla, les membres du gang harcèlent, menacent les enfants et les adolescents pour qu’ils collaborent avec eux. Comme ils ont le contrôle des quartiers, ils leur assurent qu’ils seront en sécurité, leur offrent de l’argent, de la reconnaissance. Ils profitent des besoins émotionnels et économiques des enfants et adolescents. La toxicomanie est aussi l’une des stratégies employées pour attirer de nouveaux jeunes dépendants vers le trafic. Les enfants à partir de 8 ans sont en effet utilisés pour transporter la drogue. Ils sont intégrés dans la mara à partir de 12- 13 ans. Il faut savoir que quitter cette organisation peut signifier la mort.

Comment aidez-vous les jeunes de ces quartiers ?

Nous gérons un centre socio-éducatif à Chinautla. Il accueille des enfants en difficultés scolaires ou qui ont décroché. Certains sont par exemple trop âgés pour être acceptés par une école primaire publique. Le centre  propose également de l’aide aux devoirs à ceux qui sont inscrits dans le public, ainsi que des activités culturelles. Il met à disposition de tous une bibliothèque, une ludothèque, une salle informatique. Et a un programme de bourses pour aider les élèves à poursuivre leurs études.

Concrètement quels sont les effets ?

L’éducation peut jouer un rôle clé pour tous ces enfants. L’apprentissage de connaissances, de compétences les aidera à accéder à un travail, à disposer d’un revenu, ce qui réduit l’attrait financier des activités criminelles. Au sein de l’école, ils appartiennent à un groupe, celui des « élèves », et sont reconnus, valorisés. La fondation Poveda leur transmet aussi des valeurs de vie en communauté, de respect de l’autre, essentielles pour une société plus apaisée au Guatemala.

Pouvez-vous nous raconter l’histoire d’un enfant que la fondation a aidé ?

Début 2019, la fondation a accueilli un adolescent de 14 ans en 5e année de l’école primaire. Au bout de quelques mois, il a commencé à ne plus venir le jeudi. Et un jour, il est arrivé à l’école le visage tuméfié. Il ne voulait rien dire. Nous avons rencontré ses parents, avons longuement discuté avec les trois jusqu’à ce qu’il accepte de nous raconter.

Il trainait le jeudi avec des jeunes d’un gang qui voulaient l’intégrer et s’est retrouvé au milieu d’une rixe entre deux groupes. Il était effrayé, avait peur des deux clans. Nous avons d’abord accepté qu’il étudie à distance pour ne pas qu’il sorte de chez lui ; puis c’est son grand-père qui l’a emmené à l’école. Cela lui a permis de prendre ses distances avec le gang. Et cela lui a donné confiance en nous, en ce que l’éducation pourrait lui apporter. Aujourd’hui, il poursuit ses études, travaille bien et a un super comportement avec ses camarades.

Vous voulez ajouter quelque chose ?

Il existe sans aucun doute des liens entre l’éducation et la réduction de la criminalité. Il est donc essentiel que les États s’engagent à offrir une éducation gratuite et de qualité à tous les enfants, et adolescents. La scolarisation peut les aider à se projeter et à avoir confiance en l’avenir, peut les aider à se concentrer sur la réalisation de leurs rêves, peut les mener à un métier. Les droits des enfants, dont le droit à l’éducation, sont trop souvent bafoués. Ils doivent redevenir la priorité des gouvernements.

 

*21,5% de la population vit dans l’extrême pauvreté, 57% dans la pauvreté. Et 65% des habitants ont moins de 25 ans.

 

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