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Portrait de blanca fuentes Ecoles sans murs avec la fondation poveda au Guatemala
© Fondation Pedro Poveda
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Portrait. « J’ai vu beaucoup de très jeunes enfants se faire enrôler dans des gangs »

Blanca Fuentes est coordinatrice générale de la fondation Pedro Poveda, partenaire du BICE dans l'un des pays les plus violents au monde, le Guatemala. Elle revient sur les origines de son engagement pour l’éducation et sur ses espoirs pour les enfants.

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Quelle enfant avez-vous été ?

Blanca Fuentes : J’ai grandi dans le département San Marcos, au sud-ouest du Guatemala, dans une fratrie de neuf enfants. J’étais une petite fille très responsable, prenant tout très au sérieux, plutôt ti­mide et introvertie. Mais mon enfance a été joyeuse, entourée de beaucoup d’amour. Mes parents étaient commerçants. Ils étaient surtout très créatifs. Quand les affaires marchaient mal, ils se réinventaient. Ils ont vendu des glaces, puis de la viande, et d’autres choses encore. Ils ont même eu un restaurant, et ma mère une petite fabrique de T-shirts. Ils avaient éga­lement ouvert un cinéma dans notre village.

D’où est né votre engagement pour les enfants ?

Après avoir passé mon diplôme d’enseignante pour la petite enfance, j’ai travaillé dans une école d’un quartier très populaire. J’y ai découvert la pauvre­té extrême et la violence au sein des familles. J’ai vu également beaucoup de très jeunes enfants se faire enrôler dans des gangs, un problème crucial au Guatemala. C’est toute cette vulnérabilité qui m’a in­citée à m’investir dans la défense des droits des en­fants, et cela dans le cadre du projet socio-éducatif promu par l’Association thérésienne de la municipali­té de Chinautla. De 2005 à 2012, j’y ai travaillé en tant que coordinatrice du programme de soutien scolaire, et aussi médiatrice auprès des écoles et des autorités éducatives municipales.

Je travaille aujourd’hui encore pour l’Institution thé­resienne, mais depuis 2013 en tant que coordinatrice générale de la fon­dation Pedro Poveda, en charge notamment du projet Écoles sans murs que nous menons avec le BICE. Ce programme s’adresse à des enfants et des adolescents scolarisés, mais en grande difficulté à tous les niveaux. L’enjeu est de leur permettre de rester dans le sys­tème scolaire, et de leur apporter une éducation intégrale, en termes de relations à l’autre, de gestion des conflits et de développement socio-émotion­nel. Garder ces enfants sur les bancs de l’école les met hors de portée des gangs. C’est la meilleure préven­tion possible contre la violence.

Quelles sont vos craintes et vos espoirs pour les enfants ?

La situation des enfants au Guatemala est très préoccupante. Le niveau de corruption des autorités publiques est inquiétant et la protection de l’enfance est loin d’être une priorité pour elles. Le pays se classe deuxième en Amérique latine en termes de malnu­trition enfantine, avec un taux de 48 %. Le contexte éducatif s’est encore aggravé depuis la covid-19 car les écoles ont été fermées pendant plus de deux ans. La plupart des enfants ont travaillé à distance à l’aide de manuels envoyés, mais sans l’accompagnement d’un enseignant. Aujourd’hui, beaucoup d’élèves de 3e année ne savent ni lire ni écrire. La bibliothèque, la ludothèque et la salle informatique que nous avons mises en place sont alors un signal fort de notre enga­gement à leurs côtés.

Je garde ainsi l’espoir quand je vois les progrès que font les enfants grâce à notre projet d’éducation de qualité. Ils se montrent très joyeux, dans un contexte pourtant difficile. Ils se sentent bien dans notre centre. Nous les entourons de bienveillance, ce qui leur permet de trouver un équilibre émotionnel. En gran­dissant, beaucoup de ces jeunes s’engagent en tant que volontaires dans l’association. Je pense notamment à une jeune fille qui s’était enfuie de chez elle et avait arrêté l’école. Aujourd’hui elle s’en sort bien dans ses études, se montre très volontaire et investie.

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