Quel enfant avez-vous été ?
Hervé Lecomte : J’ai grandi au Havre, dans une fratrie de quatre, toujours restée très soudée. J’étais un enfant hyperactif, s’intéressant à tout, très sportif également. Notre père était extrêmement travailleur et je me suis inscrit humblement dans ses pas. Dans mes différentes professions, j’ai vu beaucoup d’enfants mais aussi des adultes en souffrance, en difficulté. Faute d’avoir eu la chance, comme moi, d’être élevé dans la confiance par des parents aimants. Tout cela a orienté ma philosophie éducative.
D’où est né votre engagement pour les enfants ?
Les hasards de la vie ont fait que j’ai débuté comme professeur de mathématiques au Collège Sainte Marie à Rouen où je faisais mon doctorat. L’approche de l’enseignement catholique, dont je venais en tant qu’élève et que je découvrais comme enseignant, m’a infiniment plu. En 2003, j’ai suivi une formation de directeur d’établissement. Cela m’a conduit à prendre la direction du groupe scolaire La Providence à Fécamp en 2005, puis la direction diocésaine du diocèse du Havre en 2012 à la demande de Mgr Brunin.
En 2017, les évêques de Normandie m’ont nommé Secrétaire général du Comité régional de l’enseignement catholique de Normandie. J’ai participé en 2019 au Congrès de l’OIEC à New-York qui a fortement résonné en moi et m’a obligé à prendre de la hauteur par rapport aux problématiques françaises. On oublie parfois qu’il y a 244 millions d’enfants non scolarisés sur cette planète 1. J’ai été heureux, six mois plus tard, de prendre la responsabilité du projet Planet Fraternity2 que me proposait Philippe Richard, auquel j’ai succédé, en tant que Secrétaire général de l’OIEC en 2022.
Qu’avez-vous tant aimé dans l’approche de l’enseignement catholique ?
J’aime les valeurs qu’elle véhicule et l’attention portée aux plus fragiles. Rappelons-nous la phrase du Bienheureux père Nicolas Barré : « Faire grandir chacun selon son génie propre ». Pour accomplir cela, il faut sécuriser l’école et y ramener le bonheur. C’est mon cheval de bataille. Je veux que tout enfant qui entre dans une école catholique dans le monde se sente dans un havre de paix où il peut se concentrer sur l’essentiel : son éducation et la fraternité.
Les sept orientations que j’ai indiquées lors de l’assemblée générale de l’OIEC à Marseille s’en inspirent : mettre en avant la jeunesse, la respecter, l’inviter, l’écouter, l’encadrer, l’apaiser et aussi rejoindre les plus fragiles. L’enseignement catholique dans le monde, c’est 68 millions d’enfants et 210 000 écoles. Je crois beaucoup à l’émulation positive. Ma fonction m’amène à rencontrer sur toute la planète beaucoup de personnes de bonne volonté. Ça me donne une énorme espérance d’améliorations à venir.
Quels sont vos craintes et vos espoirs pour les enfants aujourd’hui ?
Mes craintes concernent la santé émotionnelle des enfants. Je crois qu’ils ont été profondément bouleversés par les années covid et le conflit en Ukraine. Pas mal d’adultes ont été fragilisés également. Or, c’est à nous, adultes, d’assurer et d’apaiser les enfants et non l’inverse. Il ne faut pas sous-estimer les souffrances observées chez les enfants et y répondre par un accompagnement à la hauteur. Mes espoirs sont grands, compte tenu du potentiel que représente le dynamisme de la jeunesse et des projets que l’on peut mener avec elle.
Il est beaucoup question aujourd’hui d’intelligence artificielle et des problèmes qu’elle soulève. Mais elle offre également de magnifiques opportunités de développement. Ne restons pas sur la défensive, saisissons la balle au bond, emparons-nous de ces nouvelles technologies, tout en gardant un cadre aidant et bienveillant pour mener ces changements. Pour moi, une révolution éducative est en marche. Nous ne pouvons plus nous en tenir à des concepts d’il y a vingt ans dans un monde qui a été bouleversé au cours des dix dernières années.
*Unesco 2022
**Le projet Planet Fraternity de l’OIEC propose à des élèves de tous pays de débattre ensemble en visio autour de grands sujets d’actualité.