Le programme a débuté en 2012 et sa troisième et dernière phase vise la réinsertion sociale et économique des enfants ayant été en conflit avec la loi, grâce notamment au travail d’intérêt général (TIG) et au développement d’activités génératrices de revenus (AGR). Des actions de plaidoyer et de formation des acteurs de la justice contribuent également à apporter des réponses concrètes face au contexte de précarité où ces enfants évoluent. En Côte d’Ivoire, ce travail est mis en œuvre par le partenaire local du BICE, DDE-CI.
La mise en œuvre des travaux d’intérêt général : un défi majeur
Le TIG est un nouvel élément de la palette des sanctions possibles de la justice en général et de la justice juvénile en particulier. Il permet aux enfants en conflit avec la loi (ECL) de réparer le tort causé à la société tout en développant des compétences pratiques qui leur seront utiles à l’avenir. Et facilite ainsi leur compréhension de l’utilité de la sanction et leur réinsertion.
En Côte d’Ivoire, malgré les avancées et un cadre normatif solide, fruit notamment du plaidoyer du BICE et de DDE-CI ayant abouti à l’adoption du décret n° 2021-241 du 26/05/2021 et de l’arrêté 045 du 30 mai 2023, les juges ne prononcent que peu souvent cette décision. La principale raison est l’absence d’un dispositif pratique de mise en œuvre.
Autre obstacle : des connaissances très lacunaires de cette mesure par les juges des enfants et les autres acteurs de la protection judiciaire de l’enfance, pour qui des sessions de renforcement de capacités restent nécessaires. Un premier atelier de réflexion sur la mise en œuvre effective du TIG en faveur des mineurs infracteurs a ainsi été organisé par DDE-CI le 20 juin dernier en collaboration avec la direction de la Protection judiciaire de l’Enfance et de la Jeunesse (DPJEJ). Il a permis de sensibiliser 2 juges des enfants et 12 éducateurs ou chefs de services du Service de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse (SPJEJ) ou de la DPJEJ et 5 autres fonctionnaires (Commission des droits de l’homme, direction des affaires civiles pénales – DACP et autres services) à cette mesure alternative à la détention et aux enjeux actuels d’application.
En outre, pour identifier des lieux d’exécution des TIG, DDE-CI a élaboré une cartographie de 15 structures (11 centres associatifs et 4 services publics à Abidjan et Yopougon), qui, pour l’heure, attendent d’être habilitées par le Bureau des TIG, nouvel organisme national en charge de piloter et coordonner le TIG. DDE-CI a lui-même trois centres à même d’accueillir des « tigistes » pour des activités d’entretien, nettoyage des locaux et de la cour, d’aide à l’alphabétisation, ou à la cuisine. DDE-CI a, de ce fait, transmis divers documents dont la convention de partenariat avec le Ministère de la Justice pour que la DACP élabore la procédure d’habilitation à son égard.
Des outils en faveur des activités génératrices de revenus
En parallèle de ces initiatives en faveur des TIG et des activités éducatives accompagnant le retour des anciens jeunes en conflit avec la loi en famille, le projet EsB3 favorise le lancement d’activités génératrices de revenus (AGR) pour cette population. Comme le précise Éric Memel, coordinateur du programme pour DDE-CI, « les éducateurs n’étaient pas suffisamment formés jusqu’alors pour aider un jeune à identifier une activité porteuse, à la développer, à gérer les revenus qui en découlent. Par contre, cette activité, DDE-CI la mène depuis quelques années. Nous avons acquis une certaine expertise que nous souhaitons transmettre aux services de l’État. »
Quelque 19 éducateurs et coordinateurs du centre étatique de réinsertion pour mineurs (CRM) de Bouaké au centre de la Côte d’Ivoire ont ainsi bénéficié d’une formation de DDE-CI sur le montage et la gestion d’une AGR, afin qu’ils puissent à leur tour transmettre des compétences aux mineurs en apprentissage au sein de ce centre, notamment à ceux de la formation en aviculture. À la faveur d’ESB3, la ferme-école du CRM de Bouaké a aussi été équipée. 500 poussins et intrants ont également été fournis dans le cadre d’un processus de production-formation d’un premier groupe de 10 mineurs. Une autre formation similaire est prochainement prévu au CRM de Dabou, près d’Abidjan.
« Un référentiel technique élaboré avec les maîtres-artisans formateurs en aviculture permet de mieux suivre le parcours des mineurs qui devront être capables, à la fin de ce processus, de diriger avec succès leur activité de production et vente de poulets, de pouvoir se prendre en charge et de ne plus renouer avec les infractions », explique Éric Mémel. En outre, les jeunes acquièrent des connaissances en gestion simplifiée, comprenant la tenue d’un cahier de compte, l’épargne et le réinvestissement. Ils bénéficient aussi d’une formation en leadership et en estime de soi, nécessaires pour prévenir la récidive.
Des formations complémentaires pour les acteurs de l’État
Dans le cadre de la pérennisation des pratiques prévues par EsB3, des agents étatiques sont conviés à des formations sur la résilience appliquée ainsi qu’à des activités de psychoéducation et à des ateliers de parentalité responsable. Il s’agit de faciliter le déploiement de ces approches dans leurs différents services. Principalement en milieu ouvert pour favoriser le retour post détention.
De fait, dans le cadre du projet parallèle Enfance sans Violences, 12 ateliers avec des enfants ou des parents ont été co-animés avec sept éducateurs de la PJEJ, sous la supervision de DDE-CI en suivant les fiches d’animation sur la parentalité responsable et la psychoéducation élaborées avec les trois partenaires de EsB3. Pour Éric Mémel, « le résultat est encourageant, les professionnels commencent à mettre en œuvre l’approche éducative développée par DDE-CI et le BICE. » Une étape importante pour renforcer les chances de réinsertion des enfants ayant été en conflit avec la loi et permettre l’appropriation durable par les travailleurs sociaux de ces pratiques prometteuses.