Agir pour lutter contre la triste réalité des internats
« Fin 2019, nous avons rendu visite pour la première fois aux enfants du service Miséricorde que nous allions accompagner, se souvient une bénévole. Les 19 enfants du service étaient tous extrêmement dénutris. Est-ce qu’un enfant de 12 ans peut peser 12 kg ? Nous avons alerté les autorités ; et l’internat a été contraint de fournir une alimentation supplémentaire et mieux adaptée à ces enfants. Six mois après le début de notre présence, 13 d’entre eux avaient pris du poids, 5 avait conservé le même poids et 1 enfant était décédé. Tous avaient été mieux nourris, mais seuls les 13 enfants qui avaient également bénéficié de notre attention de bénévoles avaient grossi. Nous ne sommes malheureusement pas assez nombreux pour pouvoir tous les accompagner. Est-ce qu’alors nous pouvons conclure que les enfants prennent du poids non seulement parce qu’on les nourrit bien, mais aussi parce qu’ils savent qu’ils sont aimés et que quelqu’un s’occupe d’eux ? »
Ce témoignage poignant reflète la triste réalité des internats pour les enfants en situation de handicap (IESH) en Russie. Dans ces instituts, l’environnement sensoriel proposé est souvent pauvre. En particulier, pour les enfants les plus lourdement handicapés, placés dans des services spéciaux dits de Miséricorde.
Améliorer les conditions d’accueil des enfants en situation de handicap en internat
Afin d’améliorer les conditions de vie de ces enfants, le BICE et ses partenaires russes s’attachent à actionner tous les leviers (projet Changer une vie 2). Sanitaire, matériel, socio-éducatif, humain, juridique. Sur le plan sanitaire et matériel, d’abord. Des visites d’experts ont été menées dans quatre internats au cours des six premiers mois du programme. L’objectif ? S’assurer de la bonne mise en place de l’ordonnance n°481. Ordonnance selon laquelle les administrations des internats doivent restructurer leurs établissements en foyers de type familial et contribuer au placement des enfants dans les familles d’accueil.
Plusieurs recommandations ont ainsi été transmises aux internats suite à ces visites. Et notamment, la nécessité de proposer aux enfants un régime alimentaire et des équipements adaptés à leurs besoins – lunettes, appareils auditifs, chaussures orthopédiques, fauteuils roulants… ; l’importance de réévaluer régulièrement leur état de santé et de renforcer les liens affectifs avec les parents qui ne sont pas déchus des droits parentaux.
Des activités physiothérapeutiques ont également été menées auprès d’enfants en situation de polyhandicap. Ce travail postural primordial peut changer la vie d’un enfant. Un exemple raconté par notre partenaire : « Trois mois d’activités ont permis à Nastya, jusqu’alors allongée en permanence, de développer les muscles nécessaires pour une plus grande autonomie dans son positionnement. L’appropriation du verticalisateur lui offre ainsi un autre point de vue sur le monde et une première approche de la marche. »
Des moments d’échanges et de découvertes avec les bénévoles
Sur les plans humain et éducatif, 166 bénévoles ont été recrutés par les partenaires du BICE pour accompagner plus de 200 enfants placés dans sept internats. L’objectif de ces visites organisées au moins une fois par semaine est de sortir les enfants de leur quotidien, de leur offrir des moments d’échanges, de découvertes, de jeux. Ainsi, quand dans certains internats, les bénévoles organisent des sessions de danse, des promenades ponctuées parfois de tours de manège, des sorties culturelles, dans d’autres, ils réalisent avec les enfants des ateliers cuisine, musique ou autres activités artistiques et éducatives.
« Ces bénévoles s’engagent, dans la durée, à rendre des visites régulières. Ce point est important afin de créer des relations stables avec les enfants. Leur rôle est essentiel, leur venue éclaire le quotidien des enfants, participe à leur développement, explique Diana Filatova, en charge du programme au sein du BICE. Malheureusement, pour certains internats isolés, nos partenaires n’arrivent pas à recruter de bénévoles. L’éloignement et les difficultés d’accès en transports en commun en sont les principales raisons. »
Ces bénévoles ainsi que le personnel des internats peuvent bénéficier de formations et de publications sur le polyhandicap, la communication alternative, l’intégration sensorielle, la pédagogie du jeu, le développement du langage… En vue de développer leurs compétences.
Renforcer les liens entre les enfants et leurs parents
Les familles ont elles aussi la possibilité d’être accompagnées. Les partenaires les informent par exemple des conditions de vie de leurs enfants au sein des internats. Les aident à renforcer les liens avec leurs enfants ou à mettre en place le retour de l’enfant à domicile quand elles le souhaitent. Et les soutiennent juridiquement dans leur communication avec l’institution si nécessaire.
Enfin, bien que tout ce travail mené depuis novembre 2019 ait été perturbé par la pandémie de Covid-19, CPC, Perspektivy et les équipes de bénévoles se sont fortement mobilisés pour en réduire les effets négatifs (À lire l’article publié le 27 mars sur l’utilisation des outils numériques, et l’article publié le 22 avril sur le plaidoyer des partenaires locaux pour l’évacuation temporaire des enfants). Une mobilisation remarquable.