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Jeune fille victime de la traite / rapport sur la traite en période de guerre
© UNICEF/UNI121794/Dormino
Publié le

Traite d’enfants et conflits armés : une crise silencieuse mais dévastatrice

La traite d'enfants dans les zones de conflits armés est largement sous-estimée et souvent négligée dans les efforts internationaux de protection des droits de l'enfant, bien qu'elle touche des milliers d'enfants à travers le monde, constate un nouveau rapport des Nations unies. Qui souligne l’urgence d’une action coordonnée pour lutter contre cette forme contemporaine d’esclavage.

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Un récent rapport des Nations unies s’est intéressé à la traite des enfants* dans les zones de conflit armé. Produit par la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour les enfants et les conflits armés, Virginia Gamba, en collaboration avec la Rapporteuse spéciale du Conseil des droits de l’homme sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, Siobhán Mullally, ce document analyse en profondeur les liens entre la traite des enfants et les six violations graves** perpétrées contre eux en temps de guerre.

À savoir : le recrutement et l’utilisation, le meurtre et la mutilation, le viol et d’autres formes de violence sexuelle, les attaques contre les écoles et les hôpitaux, les enlèvements et le refus d’accès à l’aide humanitaire. Il souligne les risques croissants auxquels sont exposés les enfants en période de conflits.  L’étude a notamment porté sur sept pays ou zones géographiques : la Colombie, le bassin du lac Tchad, la Libye, le Myanmar, le Sud-Soudan, la Syrie et l’Ukraine.

Qu’est-ce que la traite des enfants en période de guerre ?

La traite des enfants en période de guerre a plusieurs finalités qui, parfois, se chevauchent : exploitation sexuelle, mariages forcés, recrutement comme combattants ou travailleurs par les groupes armés…. Elle comporte une dimension de genre. Les filles sont souvent victimes de mariages précoces et d’esclavage sexuel, comme observé dans des pays tels que la Syrie et le Nigeria. Les garçons, eux, sont principalement recrutés comme soldats, un phénomène courant en Afrique subsaharienne, notamment au Sud-Soudan et en République centrafricaine. En Colombie, les groupes armés exploitent les enfants pour des activités criminelles comme la production de drogues.

Elle comporte aussi une dimension transfrontalière. En Syrie, par exemple, des filles Yezidies ont été enlevées d’Irak pour être réduites à l’esclavage sexuel ou contraintes au mariage avec des combattants de l’État islamique.

Des enfants délibérément ciblés pour déstabiliser et contrôler

Selon l’étude, ces enfants ne sont pas de simples dommages collatéraux. Ils sont délibérément ciblés par les parties impliquées dans le conflit qui s’en servent comme une arme de terreur et de contrôle pour affaiblir les communautés et perpétuer les cycles de violence. Au Nigeria, par exemple, Boko Haram a kidnappé des milliers d’enfants, principalement des filles, les soumettant à des violences sexuelles et à des mariages forcés. Au Myanmar, ce sont les enfants rohingyas qui sont victimes de trafic à des fins diverses, notamment le travail forcé ou l’exploitation sexuelle.

Pendant les périodes de transition, lorsque les conflits commencent à se désamorcer, l’effet déstabilisateur de la traite est particulièrement marqué. Dans ces environnements fragiles, le trafic peut perpétuer les cycles de violence et saper les efforts de paix à long terme.

Liens entre la traite et les six violations graves

Les six violations citées précédemment sont, selon le rapport, étroitement liées à la traite, pouvant se produire avant, pendant et à la suite de celle-ci. Elles en sont donc souvent la cause, l’une des composantes ou la conséquence. Par exemple, le refus d’accès à l’aide humanitaire en temps de guerre ou la fermeture d’écoles suite à des attaques peuvent rendre les enfants plus vulnérables à la traite.

Faiblesses des systèmes de protection des enfants dans les zones de conflits

Au regard de ce constat, les auteurs du rapport regrettent que ces violations soient souvent traitées de manière isolée. Ce qui a pour conséquence que de nombreux cas de traite d’enfants ne soient ni documentés ni examinés. Ainsi, alors que le droit international prévoit des mécanismes de lutte contre la traite des enfants, leur application dans les zones de conflit reste insuffisante. Les systèmes de protection des enfants sont de ce fait souvent inefficaces, incapables de répondre aux besoins urgents de ces jeunes victimes.

L’un des obstacles est le fait que, dans de nombreux cas, les enfants victimes ne sont pas reconnus comme tels. Au lieu de bénéficier d’une protection, ils sont souvent stigmatisés, négligés, voire punis pour leur participation à des activités liées au conflit. Cette marginalisation aggrave encore le traumatisme subi par ces enfants et entrave leur réhabilitation et réintégration dans la société. Elle implique également l’absence de responsabilisation des auteurs de la traite. Ce qui contribue à perpétuer les cycles d’impunité.

Dans ce contexte, le rapport met l’accent sur la mise en œuvre du principe de non-punition pour ces enfants, qui sont avant tout des victimes et non des complices. Il insiste également sur la nécessité de renforcer les mécanismes de surveillance et de signalement pour identifier et prévenir plus efficacement ces crimes.

L’urgence de réagir : recommandations aux États

L’étude présente des recommandations concrètes aux États membres de l’ONU pour remédier à cette situation. Mises en œuvre, elles permettraient de renforcer les mesures de prévention de la traite des enfants dans les conflits armés et de garantir l’obligation de rendre des comptes.  Parmi elles :

  • Améliorer la signalisation et le suivi des cas de traite liés aux violations graves des droits des enfants.
  • Renforcer les cadres légaux et la responsabilisation, pour que les auteurs de la traite soient poursuivis en justice et que les victimes reçoivent l’aide nécessaire.
  • Adopter une approche basée sur les droits humains, en axant les efforts sur la protection, la réhabilitation et la réintégration des enfants touchés.

Le rapport ajoute qu’en s’attaquant à des causes structurelles comme la pauvreté et les inégalités entre les sexes, et en assurant l’enregistrement de tous les enfants, les États pourraient mieux protéger les enfants vulnérables et prévenir la traite.

* La Convention des Nations unies de 2000 contre la criminalité transnationale organisée, dite « Convention de Palerme » est complétée par un premier protocole additionnel « visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants ». Selon son article 3 , la « “traite des personnes” désigne le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou  d’une  situation  de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation […] ».

** En 1999, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une résolution sur le sort des enfants en temps de conflit armé. Dans ce texte, six violations graves sont recensées ; celles qui ont les plus lourdes conséquences pour les enfants en temps de guerre. Ceci implique qu’elles fassent l’objet d’une attention particulière.

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