L es ONG comme le BICE n’ont pas vocation à se substituer aux États. Notre mission est autre : expérimenter et mettre en oeuvre, avec nos partenaires, des pratiques significatives qui permettent aux enfants en difficulté de construire leur projet de vie. Et assurer un plaidoyer pour faire évoluer les lois en faveur des droits de l’enfant et, ainsi, généraliser l’usage de ces pratiques. C’est dans cet esprit que, grâce au soutien de l’Agence Française de Développement (AFD) et de nos donateurs, nous avons lancé en 2009 en Amérique latine, le programme « Enfance sans barreaux » (EsB) en faveur des enfants en conflit avec la loi. En 2012, il a été étendu à l’Afrique avec le but de faire adopter par les pays impliqués des pratiques dites de justice réparatrice, plus respectueuses de la dignité des enfants et mieux à même de préparer leur réinsertion, la détention n’étant infligée qu’en dernier recours. Entre 2016 et 2021, le programme a permis non seulement de grandes avancées en ce sens mais aussi d’accompagner près de 10 000 enfants en conflit avec la loi, de former 17 000 acteurs de la justice et du secteur éducatif et de sensibiliser près de 14 000 parents.
Recentrage du programme Enfance sans Barreaux sur l’Afrique
En Côte d’Ivoire, République démocratique du Congo et au Togo, la préparation à la sortie de prison des enfants et leur suivi restent néanmoins encore très insuffisants. Une situation d’autant plus préoccupante que la précarité des familles a été encore accrue par la pandémie.
Dans ces pays, pendant les trois prochaines années, l’accent sera donc mis sur le transfert progressif aux services des États des pratiques d’accompagnement à la réinsertion. Les premiers mois seront consacrés à renforcer les compétences des partenaires grâce à des formations assurées par le BICE et par les partenaires africains de notre programmes « Écoles sans murs ». Ces derniers ont en effet développé un réel savoir-faire dans l’accompagnement à la résilience des enfants. Une méthode a aussi été établie pour permettre aux jeunes de créer et gérer une petite activité source de revenus, notamment grâce à l’entraide au sein de collectifs de jeunes entrepreneurs.
En vue de former à leur tour les services des États, les partenaires d’ESB3 vont également finaliser les fiches descriptives des ateliers qu’ils organisent sur la parentalité responsable et de psycho-éducation entre jeunes. Ce travail de formalisation est aussi utile pour montrer aux autorités que ces solutions sont faciles et relativement peu coûteuses à mettre en place. Tout en étant très performantes pour prévenir la récidive.
Développer des alternatives à la détention
L’autre aspect très important de cette phase porte sur les travaux d’intérêt général (TIG). Éviter l’emprisonnement aux enfants et leur permettre de mener une activité au service de la communauté reste en effet la meilleure approche pour favoriser leur réinsertion socio-professionnelle. Le plaidoyer a permis de faire évoluer les lois en ce sens. Il importe aujourd’hui que les législateurs recourent plus systématiquement aux TIG. Cela fait partie de nos objectifs à trois ans. « Le rôle de nos partenaires restera primordial après le transfert de compétences aux services des États, explique Marie-Laure Joliveau, chargée de programmes au BICE. Ils sont devenus de véritables référents en matière de justice des mineurs et pourront intervenir en tant que prestataires pour des formations ou pour animer des ateliers. Cette phase conclusive est ambitieuse mais décisive pour améliorer durablement le sort des enfants en conflit avec la loi. »