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Kiev Oksana
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Ukraine. La vie à Kiev racontée par Oksana

Oksana, directrice exécutive de notre partenaire ukrainien WCU*, continue d’organiser l’aide humanitaire depuis Kiev. Jointe le 9 mars au matin par téléphone, elle nous raconte son quotidien et celui des familles restées à Kiev, son travail, l’attente.

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Sortie quelques minutes au pied de son immeuble, Oksana tient à nous montrer les rues vides. Et le silence glacial.  « On ne voit plus un enfant dehors. Même si les alertes sont moins nombreuses en ce moment, seuls les adultes sortent. Certains seulement pour se réapprovisionner, d’autres un peu plus ; cela dépend des peurs de chacun. Mais de manière générale, notre vie quotidienne se résume aux files d’attente devant les magasins, les pharmacies, pour donner notre sang…, raconte Oksana, selon qui les familles à Kiev sont encore nombreuses. Beaucoup de femmes ne veulent pas quitter leur mari, voyager seules avec leurs enfants, ou laisser un parent âgé. »

« En ce moment, l’attente est insupportable »

Cachées dans les abris anti-bombes**, dans les stations de métro, ou terrées dans leurs appartements, loin des fenêtres, ces familles vivent donc au rythme des sirènes d’alerte… Dans l’incertitude et l’attente. « L’attente est très difficile à supporter. Est-ce qu’il y aura un cessez-le-feu, est-ce qu’ils vont arriver ? Et quand ? Nous ne savons pas. Nous redoutons aussi énormément les combats de rue ou les attaques venues du ciel. Actuellement, plusieurs villes autour de Kiev résistent. À Kiev, les soldats et volontaires se préparent. Ce qui est remarquable, c’est la solidarité, l’entraide dont tous les habitants font preuve. »

Une aide humanitaire adaptée aux besoins de la population

Oksana, elle, continue de travailler*** pour organiser l’aide d’urgence fournie notamment par le BICE, grâce à ses donateurs. Installée depuis quelques jours chez sa maman, avec son fils de presque 10 ans, elle s’assure de chez elle que les transferts d’argent vers les organisations de son réseau dans d’autres régions sont bien effectués ; gère les distributions de produits de première nécessité vers les zones de conflits « qui manquent de tout » ; conseille les familles qui veulent évacuer ; participe au dispositif de soutien psychologique à distance mis en place par WCU. « À Kiev, les magasins ayant été réapprovisionnés, il n’y a pas pour l’instant de pénurie de nourriture même s’il est de plus en plus difficile de trouver de la viande, du poisson, des œufs ou encore des produits laitiers. Notre action ici consiste surtout à aider sur le plan financier les familles qui se retrouvent sans liquidités. Je descends aussi de temps en temps dans les abris non loin de chez moi pour voir comment les gens vont, s’ils ont besoin de quelques chose… Mais je ne pars jamais longtemps pour ne pas trop inquiéter mon fils et ma maman. »

Maintenir avec son fils des activités de la vie normale

Pour son fils, Oksana s’attache à maintenir des activités de la « vie normale ». Elle l’aide à travailler sa flute régulièrement, lui fait faire des devoirs d’école, joue avec lui, le laisse s’amuser aux jeux vidéo. « Mais pas trop. » Lui parle beaucoup. « Les premières explosions, le 24 février, ont commencé vers 4h30 du matin. Mon fils a eu très peur. Il était en pleurs. Je lui ai expliqué ce qu’il se passait et depuis, nous parlons tout le temps. Son inquiétude l’a un peu quitté. Et il est fier de se dire que l’on aide, que l’on joue un rôle dans cette guerre, que l’on ne fait pas que subir. »  Leur évacuation, Oksana s’y est préparée même si cela sera difficile avec sa maman en fauteuil roulant. « Dans un premier temps, nous avons prévu de changer de quartier, s’il y a des combats près de chez nous », précise-t-elle.

A-t-elle peur ? « Je me refuse à avoir des émotions…, se contient-elle. Quand j’ai envie de pleurer, je me retiens. Pour ma famille, mon travail. J’essaie de rester dans l’action. Quand j’étais plus jeune, ma grand-mère me parlait de la guerre, je pense souvent à ce qu’elle me racontait. Et je profite du mieux que je peux des moments que je partage avec ceux que j’aime. »

* Women’s Consortium of Ukraine

**Les conditions de vie dans les abris diffèrent d’un lieu à l’autre. « Certains abris, comme les stations de métro, sont très organisés. Il y a du chauffage, de quoi manger… Les sous-sols des immeubles sont eux souvent petits, voire dangereux du fait de la présence de nombreuses canalisations. Enfin, d’autres abris dont le sol est en terre sont très froids. Nombreux sont ceux qui y sont tombés malades dans les premiers jours et qui préfèrent aujourd’hui prendre le risque de rester dans leur appartement, même pendant les alertes. C’est d’ailleurs ce que nous faisons avec ma famille. À chaque alerte, nous nous réfugions dans le couloir ou dans la salle de bain. »

***Soutenue par ses collègues, certains encore sur place, d’autres réfugiés dans un pays de l’UE.

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