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Yulia Psychologue
© CPC
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« À quatorze ans, j’ai su que je voulais être psychologue »

Yulia Akhtyamova est psychologue clinicienne auprès d’enfants en situation de handicap au Centre de pédagogie curative (CPC), le partenaire du BICE à Moscou. Elle nous raconte une vie dédiée à la défense de ces enfants.

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Quelle a été votre enfance ?

Yulia Akhtyamova : J’étais fille unique, d’une maman seule, mais j’avais beaucoup de cousins et cousines avec lesquels je passais tous les étés chez ma grand-mère à la campagne, dans la République de Bachkirie, une province de Russie proche de la frontière du Kazakhstan. Enfant, j’argumentais toujours beaucoup, sur tous les sujets. Ma mère pensait que je deviendrais avocate, mais dès l’âge de quatorze ans, j’ai su que je voulais être psychologue.

D’où vient votre engagement auprès d’enfants en situation de handicap ?

Y. A. : Pendant ma 4e année d’études, j’ai fait un stage au CPC où je travaille aujourd’hui. C’est un centre de jour qui accueille des enfants en situation de handicap ou de polyhandicap. Je pensais que j’aurais à faire face à des enfants et des familles en grande souffrance. En fait, les enfants n’étaient pas forcément malheureux, et j’ai découvert que les familles avaient, comme toutes les familles, une vie qui ne se résumait pas à la situation de leur enfant. Les spécialistes du centre étaient très impliqués, je les entendais parler de tel ou tel enfant pendant leur pause déjeuner. Ça a été une source d’inspiration pour moi, et après mon stage, j’ai continué à venir comme bénévole. À la fin de mes études, j’ai travaillé comme psychologue consultante pour un nouveau programme de télévision. Puis un jour, j’ai croisé l’un des spécialistes du CPC qui m’a demandé si je ne voulais pas rejoindre son équipe.

En tant que psychologue, quel est votre rôle au CPC ?

Y. A. : Le CPC a été fondé il y a 30 ans par des thérapeutes et des parents. Aujourd’hui, il compte 130 spécialistes et accueille 400 enfants par mois. Certaines familles déménagent à Moscou pour pouvoir y amener leur enfant. Les enfants font différentes activités, individuelles ou en groupe, avec des spécialistes très qualifiés. Il ne s’agit pas de les occuper, mais de les aider à progresser. Nous regardons de quoi chacun est capable, et surtout ce qu’il aime faire. J’ai été particulièrement sensible, lors de ma formation, à l’enseignement du grand psychologue français Lacan : il incite à voir la particularité de chaque enfant, à être sensible à ce qui l’intéresse. Même si c’est quelque chose de bizarre, d’inattendu, du moment que ça le fait progresser…

Quels sont vos espoirs pour ces enfants aujourd’hui ?

Y. A. : Nous vivons une période pleine d’espoir en Russie. Le regard porté sur le handicap évolue de façon très positive au sein de la société russe depuis quelques années. Les pères, qui autrefois disparaissaient à l’annonce du handicap de leur enfant dans la majorité des cas, restent et s’impliquent. La position de l’État, elle aussi, évolue : on prend conscience qu’il faut aider les familles en difficulté pour éviter le placement des enfants dans des orphelinats. Ces changements sont le résultat du plaidoyer d’ONG comme la nôtre grâce au soutien reçu du BICE.

Nous menons des actions de sensibilisation dans les écoles sur la question du handicap et de la diversité. Au moment de la rentrée, nous proposons aux enfants et aux parents, au lieu d’offrir des fleurs à leurs professeurs, de faire un don pour permettre à des enfants en situation de handicap d’aller à l’école. Aujourd’hui, on voit des enfants qui, pour leur anniversaire, demandent à leurs amis de faire un don à notre centre.

En revanche, et cela peut paraître paradoxal, je ne crois pas à l’inclusion totale. Non pas que ce ne soit pas une bonne idée, mais parce qu’il y aura toujours quelqu’un qui ne pourra ou ne voudra pas être inclus. Il faut donc lui en garder la possibilité. L’inclusion ne doit pas être un diktat, mais un principe vers lequel tendre.

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