Bogota, capitale dynamique mais profondément marquée par les inégalités sociales, accueille une initiative qui nourrit l’espérance : Trazando Futuros 2 (tracer son futur). Porté par le Bureau International Catholique de l’Enfance (BICE) et les Religieux Tertiaires Capucins (RTC), ce programme vise à renforcer la réinsertion socioprofessionnelle de jeunes colombiens, issus de parcours de justice réparatrice ou de dispositifs de protection*.
Un contexte fragile
La Colombie, bien que dotée d’un cadre juridique avancé en matière de droits de l’enfant**, fait face à une réalité complexe. Violence persistante, endettement et affaiblissement de la croissance, pauvreté (plus de 30 % des Colombiens), chômage des jeunes, pression migratoire – principalement du Venezuela – et taux élevé de déscolarisation des adolescents compliquent l’insertion socio-professionnelle des jeunes. Réponse concrète à ces enjeux, Trazando Futuros, lancé en 2021 sous forme de projet pilote, vient de démarrer sa 2e phase de trois ans.
Une initiative née du succès d’un projet pilote
« Très vite, l’initiative centrée sur la boulangerie-école Bethléem*** a démontré son efficacité, explique Alessandra Aula, secrétaire générale du BICE. Elle offre à de nombreux jeunes en situation de grande vulnérabilité la possibilité de se former aux métiers de boulanger et de pâtissier, tout en retrouvant estime de soi et confiance en l’avenir. Forts du succès du projet pilote mené pendant un an, nous avons donc lancé une première étape de développement entre janvier 2022 et décembre 2024. Celle-ci a intégré une dimension scolaire, nommée Escuelas sin Fronteras (Écoles sans frontières), pour permettre aux jeunes déscolarisés de reprendre leurs études grâce à un modèle adapté et flexible. Depuis mars, nous avons engagé une nouvelle phase de trois ans, qui, tout en s’inscrivant dans la continuité de la précédente, se focalise sur l’entrée et le maintien sur le marché du travail des jeunes formés ainsi que sur la consolidation et l’autonomisation croissante de la boulangerie Bethléem. »
Trazando Futuros 2 : les détails du projet
Trazando Futuros 2 doit accompagner plus de 700 adolescents en situation de grande vulnérabilité vers un avenir plus stable et autonome. En se concentrant sur des actions concrètes de formation professionnelle, d’insertion sur le marché du travail et de reconstruction du lien familial, cette initiative entend poser les bases d’une réinsertion durable, humaine et résiliente.
Une formation qualifiante
La première pierre du projet repose sur une formation professionnelle en boulangerie et/ou pâtisserie. Entre mars 2025 et février 2028, 720 jeunes suivront un parcours certifiant, encadré par un maître boulanger agréé par le Service national d’apprentissage colombien (SENA). Ces cours – six par an pour la boulangerie, deux par an pour la pâtisserie – organisés dans la boulangerie-école Bethléem, sont complétés par l’apprentissage de compétences informelles : savoir-être en entreprise, gestion du temps, travail en équipe, préparation à un entretien, service client ou encore initiation à la vente en ligne.
« La psychologue chargée du suivi thérapeutique des jeunes bénéficiaires sera également attentive leur assiduité afin de mettre rapidement en place des stratégies de motivation et de soutien en cas de difficultés rencontrées dans la vie quotidienne », explique Diana Herreño, coordinatrice du projet chez les RTC.
Des salons pour valoriser l’entrepreneuriat des jeunes
Pour renforcer cette dynamique, six salons d’entrepreneuriat seront organisés sur la durée du programme. Pour chacun d’entre eux, dix jeunes ayant déjà été formés présenteront leurs créations au grand public et à des partenaires institutionnels. Ces événements, véritables vitrines de leur savoir-faire, visent à renforcer leur confiance en eux et à les encourager à envisager la création de leur propre activité. Mais aussi à faire connaître le travail effectué au sein de Bethléem.
Un accompagnement vers l’emploi
Au-delà de la formation, Trazando Futuros 2 propose un accompagnement individualisé vers l’emploi pour 150 adolescents (50 par an) après la formation. Au cours des années deux et trois du projet, les 100 jeunes bénéficiaires seront suivis après leur embauche en stage ou en emploi, avec un soutien psychologique et professionnel pour faciliter leur intégration et prévenir toute rupture de parcours. De plus, une plateforme de mise en relation avec les entreprises partenaires (boulangerie, restauration) va être créée afin de faciliter les recrutements.
Recréer le dialogue au sein des familles
Reconstruire l’avenir de ces jeunes vulnérables passe aussi par la restauration du lien familial quand celui-ci est abîmé et qu’il est possible de le réparer. Le projet prévoit ainsi la tenue de rencontres collectives pour 240 adolescents et 240 membres de leur entourage familial. « La plupart des jeunes confiés aux RTC viennent de foyers dysfonctionnels ou en situation de grande précarité où les pratiques violentes sont malheureusement courantes, explique Diana. Lors des sessions, l’approche de la discipline positive est privilégiée comme un modèle parental en mesure de proposer une solution non violente, axée sur le respect de l’enfant. En cohérence aussi avec les fondements de la justice réparatrice, elle vise à créer les conditions propices aux dialogue et à la réparation. » Ces rencontres abordent ainsi des thématiques essentielles comme la gestion des conflits, la prise de décision responsable ou encore la construction d’un projet de vie familial. L’objectif étant de créer un environnement plus stable, propice au développement des jeunes.
Donner du sens à l’engagement à travers des actions solidaires
Autre initiative inspirée par les jeunes eux-mêmes : l’organisation de trois journées de solidarité communautaire, au cours desquelles des produits de la boulangerie Bethléem sont offerts à 100 personnes en situation de précarité. Ces moments de partage prennent une valeur symbolique forte pour les adolescents. Ils y trouvent une forme de réparation sociale et de valorisation personnelle.
Enfin, le projet Trazando Futuros 2 soutient l’autonomisation à terme de la boulangerie Bethléem. Progressivement, celle-ci devrait couvrir les besoins en pain de 500 enfants accueillis dans trois internats des RTC. De plus, une étude de marché sera réalisée au cours de l’année trois afin d’envisager la commercialisation externe des produits sur les marchés et via un site Internet. Pour cela, trois jeunes issus de la formation seront progressivement recrutés en tant qu’auxiliaires.
* Ce programme est ouvert aux jeunes ayant été en conflit avec la loi confiés aux Religieux Tertiaires Capucins (RTC) par le Système national de coordination de la responsabilité pénale des adolescents (SRPA). Ainsi qu’aux jeunes inscrits dans des programmes de protection après avoir été victimes de différentes formes de violences. Et, de ce fait, confiés par le Défenseur de la Famille aux RTC.
** En Colombie, la loi n°1098 de 2006, portant Code de l’enfance et de l’adolescence fixe les règles de fond et de procédure visant à assurer la protection intégrale des enfants et des adolescents dans des conditions d’égalité et d’équité, et garantit le plein exercice des droits consacrés par la Constitution et les instruments internationaux, dont la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant. La Politique relative au développement global de l’enfant 2018-2030 (loi n°1804 de 2016) et le mandat de l’Institut colombien de protection de la famille (ICBF) reflètent cette volonté de promouvoir l’intérêt supérieur de l’enfant. En outre, le SRPA sous l’égide de l’ICBF, veille à ce que des sanctions non privatives de liberté soient prononcées et prises en charge par les autorités judiciaires avec le support des éducateurs pour que les principes de la justice réparatrice s’affirment.
***Maison du pain en français
