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Portrait du Frère Traoré Burkina Faso école La Salle
Frère Téfio Raoul Traoré (à gauche)
Publié le

Frère Téfio Raoul Traoré : « La protection de l’enfant est au cœur de notre institution »

C’est au sein des établissements des Frères des Écoles Chrétiennes La Salle que Frère Téfio Raoul Traoré a trouvé sa double vocation de religieux et d’éducateur. Dans un pays, le Burkina Faso, où les enfants sont confrontés à de nombreux maux, il garde l’espérance que ceux-ci puissent grandir sans connaître d’abus ni de violence.

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Quelle enfance avez-vous eue ?

Frère Raoul Traoré : J’ai grandi à Bomborokuy, un village du Burkina Faso où j’ai vécu une enfance heureuse dans des conditions modestes. Je suis le huitième d’une fratrie de neuf. Mon père était agriculteur et ma mère avait un petit commerce. Ils nous aimaient, mais à la manière africaine, c’est-à-dire
qu’ils subvenaient à nos besoins sans nous couvrir de baisers. Nous avons tous été scolarisés, ce qui était rare au village. À l’époque, la cravache était encore utilisée, je ne saurais dire si j’étais bon élève par passion pour l’étude ou par peur d’être frappé !

Mon enfance a été également marquée par le travail, mais qui était adapté à nos capacités d’enfant, avec une dimension d’apprentissage. J’aidais mon père aux champs et ma mère. J’étais entouré d’autres enfants : mes camarades d’école, mes amis du catéchisme et des mouvements de jeunesse chrétienne,
mes copains du quartier avec lesquels j’allais à la chasse et jouais au foot.

D’où est né votre engagement pour les enfants ?

L’ attention que nous témoignaient nos parents a été une source d’inspiration pour mon engagement auprès des enfants, tout comme le dévouement désintéressé de mes éducateurs. Ma vocation de Frère vient également de cette expérience faite enfant d’être entouré par des personnes bienveillantes. Notre père fondateur, Saint Jean-Baptiste de La Salle, dit aux Frères d’être les anges gardiens des enfants confiés à leurs soins, afin qu’ils croissent en humanité et en spiritualité. Nos éducateurs lassalliens sont formés à assumer au mieux cette mission. Je suis gestionnaire de projets et peux témoigner que la défense de la protection de l’enfant est au cœur de tout nouveau projet d’école.

Quelles sont vos craintes et vos espoirs pour les enfants ?

J’ai de nombreuses craintes et autant d’espoirs. Chez nous, beaucoup pensent que la question des droits de l’enfant est une problématique occidentale qui tend à faire des enfants-rois sans aucun devoir. Or il y a tant à faire pour les enfants d’ici. Beaucoup subissent des sévices corporels pouvant entraîner des séquelles à vie. Il y a encore trop d’omerta sur des cas de viols, au prétexte de protéger une institution ou la réputation d’une famille ou même l’avenir de l’enfant. Notre pays est en proie au terrorisme djihadiste et aux conflits armés qui ont entraîné la fermeture de 5 700 écoles, et privé près d’un million d’enfants d’éducation. Beaucoup sont exploités par le travail ou forcés à la mendicité ; d’autres sont enlevés pour des trafics d’organes, des sacrifices rituels, ou subissent des mutilations sexuelles, ou sont enrôlés dans les groupes armés.

Ce tableau très sombre pourrait me porter à désespérer. Mais nous sommes des hommes et des femmes d’espérance. Et effectivement, la situation évolue. J’observe une prise de conscience historique : nous sommes en train de passer de la protection des institutions à celle de l’enfant. On luttait contre l’abus pour éviter les ennuis, aujourd’hui, c’est par souci des enfants. Cela s’est fait grâce au travail des médias et des ONG comme le BICE qui ont libéré la parole et fait évoluer la législation pour que les auteurs de crimes envers des enfants soient poursuivis. J’ai l’espoir que ces enfants puissent grandir sans connaître d’abus ni de violences, ce qui est parfaitement possible. Dieu nous aide dans cette tâche.

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