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droits de l'homme - Decaux
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Interview-Portrait. « On ne peut qu’espérer voir les jeunes construire un monde meilleur »

Professeur émérite de l’université Paris II, président de la fondation René Cassin pour la promotion des droits de l’homme par l’enseignement et la recherche, et président de la Cour de conciliation et d’arbitrage au sein de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), Emmanuel Decaux est un homme de droit et de conviction. Il s’ouvre sur son parcours et ses espoirs pour les enfants.

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Quel enfant étiez-vous ?

J’étais un petit Parisien, un enfant de l’après-guerre, du baby-boom, le dernier garçon d’une famille de cinq enfants. J’ai eu une enfance très heureuse, peut-être même trop, même si j’ai vite appris la fragilité des choses. J’ai le souvenir de vacances merveilleuses en Normandie, où j’ai découvert pour la première fois la mer, avec les vagues, les pontons rouillés et les immenses falaises d’Arromanches. J’étais très bon élève, avec des matières fortes mais aussi des points faibles ce qui rend modeste. J’étais sans doute un peu égoïste et prétentieux, en pensant que le monde m’appartenait, mais mes parents, qui avaient une grande empathie à l’égard des autres, m’ont très tôt appris le sens du service, de l’attention et de la générosité.

D’où vient votre engagement pour la défense des droits de l’homme ?

J’ai eu une formation de droit public combinée avec une passion pour les relations internationales. Et très vite, les droits de l’homme ont constitué un terrain concret pour faire bouger les choses. Là aussi j’ai eu beaucoup de chance, car des dynamiques fortes étaient en œuvre dans les années quatre-vingt, au moment où je suis passé de la théorie à la pratique, pour le dire vite, avec la Convention européenne des droits de l’homme, mais aussi dans le cadre de l’ONU et de l’OSCE. En écoutant des collègues du monde entier, j’ai énormément appris. Mais ce qui m’a surtout frappé, c’est le courage, la dignité et l’engagement des associations de familles de disparus, lorsque j’étais membre du Comité des disparitions forcées.

Quelle importance particulière a à vos yeux la défense des droits de l’enfant ?

La Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant de 1989 fait partie d’un tout, en changeant le regard sur l’enfant, qui est reconnu titulaire de droits, mais sans le séparer pour autant de sa famille ou de sa communauté. Je vois plusieurs priorités pour une approche globale. D’abord le droit fondamental à l’éducation qui est indispensable pour faire des citoyens éclairés et libres, dans une société ouverte et tolérante. Ensuite le développement, on pourrait même parler de « développement intégral », dans la logique des Objectifs du développement durable des Nations Unies pour 2015-2030 ; en mettant au premier rang la lutte contre l’extrême pauvreté, l’égalité des sexes et la santé infantile. Enfin, les guerres et les crises dont les enfants sont les premières victimes, avec là aussi la nécessité d’une action forte pour la protection des enfants dans les conflits armés.

Quels sont vos espoirs et vos craintes pour les enfants d’aujourd’hui ?

On ne peut qu’espérer voir les jeunes construire un monde meilleur. Mais la crise sanitaire a sans doute un impact très sérieux sur leur équilibre. Elle risque également de contribuer à isoler les enfants dans un univers de science-fiction. Les nouvelles technologies constituent un progrès immense, mais il me semble affolant de voir, du moins dans les sociétés riches, de très jeunes enfants passer leur temps avec des tablettes, les coupant de la « réalité » qui les entoure. Avec l’intelligence artificielle, l’homme risque de perdre son âme et le sens de la nature, de l’identité et de la transmission. Le lien intergénérationnel qui est au cœur de toute civilisation.

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