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Ghorban Coeur de pierre - famille
© Olivier Jobard/MYOP
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« Aucune famille n’a envie de laisser partir ses enfants »

Ghorban est le jeune Afghan du documentaire "Coeur de pierre"*, que le BICE a programmé l’année dernière au festival Enfances dans le Monde. Arrivé seul en France à 12 ans, il a franchi toutes les épreuves jusqu’à trouver un travail pour aider sa famille en Afghanistan. Un parcours exemplaire qu'il nous raconte.

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« Quand j’avais deux ans, mes parents se sont séparés. Mon père est parti vivre en Iran avec mon frère aîné, ma mère s’est remariée et moi, j’ai été envoyé chez mon grand-père. Il était très dur avec moi, tout comme sa seconde épouse et ma tante. On ne m’appelait pas par mon prénom, mais « l’orphelin ». J’allais à l’école coranique en hiver mais dès les beaux jours, je devais aider aux champs.

« Arrivé en Iran, j’ai découvert que mon père avait été assassiné »

Quand la situation est devenue invivable, j’ai cherché à rejoindre mon père en Iran. J’avais dix ans. Mes cousins ont payé le passeur qui a accepté de me prendre malgré mon jeune âge. Arrivé en Iran, j’ai découvert que mon père avait été assassiné – je ne l’avais pas su. Avec mon frère, nous avons travaillé pendant un an dans une entreprise qui fabriquait des cheminées. Nous dormions dans une pièce sur place avec les autres ouvriers. Dès qu’il a eu mis assez d’argent de côté, mon frère est parti vers l’Europe et a gagné l’Angleterre.

J’étais trop jeune pour le suivre ; puis j’ai décidé de partir moi aussi. Ça a été un choix très difficile. J’avais onze ans, je gagnais trop peu pour économiser, c’est mon frère qui m’a aidé. Je n’ai compris que plus tard combien il s’était sacrifié pour moi. Il m’envoyait tout son argent.
Je suis passé par la Turquie, la Grèce, l’Italie, où je suis resté six mois, puis je suis arrivé en France, j’avais douze ans. Je suis resté un temps Gare de l’Est. Les gens me disaient d’aller en Angleterre, mais j’ai aimé la France. J’ai aimé la langue, la culture, les gens. Mais ça n’a pas été facile, pour les papiers, pour pouvoir aller à l’école. Il a tout le temps fallu se battre.

« J’ai obtenu la nationalité française, mon bac… »

Puis, peu à peu, les choses se sont arrangées. J’ai obtenu la nationalité française, mon bac, mon diplôme professionnel. Aujourd’hui, je suis technicien de laboratoire pour des laboratoires d’analyses médicales, et bientôt pour une entreprise qui produit des tests de dépistage du cancer.

À quinze ans, j’ai repris contact avec ma mère, dont je n’avais plus de nouvelles depuis notre séparation et à dix-neuf ans, je suis retourné en Afghanistan. Il y a vraiment un « avant » et un « après » ce voyage. Avant, j’avais l’impression de ne pas avoir de sentiment. Soudain, je découvrais que j’avais une famille, des frères et sœurs, que j’étais aimé et que je pouvais aider. Année après année, j’ai réussi à leur acheter une maison dans la ville d’Irat et à financer la scolarité de mes frères et sœurs. L’aînée, qui travaillait dans les champs de pavots, est en 3e année de faculté d’infirmière.

« Sur les routes de l’exil, c’est très dur »

Mon frère est lui aussi à l’université et le plus jeune vient de passer son bac. On ne se rend pas compte de ce que vivent les enfants laissés à eux-mêmes dans des pays en guerre. C’est la jungle, la loi du plus fort, certains meurent dans la rue. Moi, quand je suis parti, je pensais ne plus avoir de famille. Ceux qui partent en laissant une famille derrière eux, c’est qu’ils n’ont pas le choix. Personne n’a envie de quitter sa famille. Aucune famille n’a envie de laisser partir ses enfants. Je sais comment les mineurs sont traités sur les routes de l’exil, c’est très dur. Il ne faut pas avoir peur d’eux. Il faut les aider à apprendre la langue, à s’intégrer. Et il faut arrêter ces guerres pour que les jeunes puissent rester chez eux. »

*Film documentaire d’Olivier Jobard et Claire Billet (2019)

À lire aussi l’article sur les mineurs non accompagnés.

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